Le sujet de ce billet traitera de l’infection causée par le cytomégalovirus qu’on appelle plus souvent le «CMV», plus court à utiliser et plus facile à dire, n’est-ce pas?
Il est primordial de savoir que l’infection cytomégalovirus est l’infection congénitale la plus fréquente durant la grossesse, plus que le virus Zika et que le VIH en même temps. C’est aussi l’infection la plus méconnue des parents et pourtant!
Bien que ce virus soit majoritairement inoffensif pour la plupart des personnes infectées, certaines conditions peuvent entraîner une infection grave aux répercussions sévères. Cela concerne notamment les personnes immunodéprimées, les greffées et les femmes enceintes. Ce texte se concentrera sur cette dernière situation pour expliquer les conséquences d’une infection au CMV pendant la grossesse, ainsi que les impacts potentiels pour la future mère et les risques de contamination congénitale ou néonatale pour le bébé.
On sait de nos jours qu’un grand nombre de malformations congénitales chez les bébés trouvent leur origine à même une infection de CMV. C’est pourquoi il est important d’en connaître davantage sur cette infection pour reconnaître les symptômes et mieux comprendre les efforts de prévention que l’on peut faire.
Définition du cytomégalovirus
Le virus du cytomégalovirus se trouve dans la même famille que le virus de l’herpès. Certaines terminologies lui confèrent le titre «d’herpès humain type 5» (Santé Canada : Virus herpétique humain de type 5). Les caractéristiques de cette infection sont très similaires à celles rencontrées dans la même famille, comme : la mononucléose infectieuse, la roséole, la varicelle et le zona.
Risques de contamination du CMV
Le nombre de personnes contaminées augmente avec l’âge. Il est documenté que le risque général de contracter l’infection au cytomégalovirus est à 24% pour des parents avec jeunes enfants, 8.5% pour des travailleurs dans le domaine de la santé et la petite enfance et 2.3% pour les femmes enceintes. Aussitôt qu’il y a une baisse de nos défenses immunitaires, on est plus sensible à une contamination, comme lors de grands stress ou d’une extrême fatigue. Ne pas oublier qu’une femme enceinte se trouve plus vulnérable au niveau immunitaire lors du dernier trimestre de la grossesse, donc plus à risque de toutes sortes d’infections y compris le CMV.
Même si la contamination se fait davantage en jeune âge avec les enfants de moins de 3 ans, on compte 60 à 90% des adultes, hommes et femmes qui possèdent des anticorps « anti-CMV » dans leur circulation sanguine, ce qui est la preuve qu’ils ont déjà été infectés à un moment ou à un autre de leur vie. La plupart de ces personnes en santé ne présentent aucun symptôme face à cette infection bénigne puisque le virus reste le plus souvent inactif, endormi ou latent si vous préférez, et ce, tout le reste de leur vie.
Modes de transmission du CMV
Il est très important de distinguer, dès le départ, qu’avant de contaminer quelqu’un, je dois moi-même être mis en contact avec le virus, en être infecté après sa période d’incubation. Ensuite, je peux le transmettre à quelqu’un d’autre dans mon entourage.
Durant la grossesse, le risque de transmission au foetus par sa mère est fréquent dès le premier trimestre avec 36,4% de risques, au deuxième trimestre avec 40,1% et finalement au dernier trimestre avec un peu plus de 65% de transmission possible au bébé.
Comment peut-on être contaminé par le virus cytomégalovirus comme individu? C’est une très bonne question. En fait, on peut être contaminé de différentes façons et le plus souvent par contact direct avec les liquides organiques, biologiques ou les tissus infectés :
- La salive (toux, baiser)
- Les larmes
- Les sécrétions respiratoires
- Les sécrétions génitales (cervicales, sperme)
- L’urine et les selles
- In utero en traversant le placenta
- Lors de la naissance en contact avec les muqueuses vaginales
- Lors d’une transplantation avec un organe infecté
- Le lait maternel
- Transfusion sanguine.
Puisque le virus peut vivre sur une surface sans vie allant jusqu’à 7 jours, dans de plus rares cas, il se peut que la transmission de l’infection s’effectue aussi par objets infectés comme un jouet, une cuillère, une tétine de biberon par exemple. C’est pourquoi le contact répété avec de jeunes enfants augmente le risque d’être contaminé, car ils sont moins autonomes, on les a dans nos bras davantage, on les nourrit, on les lave, on leur change la couche ou les essuie à la salle de bain, on les mouche, etc…
Le diagnostic et les symptômes du CMV
Comment savoir si j’ai déjà été contaminé par le virus cytomégalovirus?
Malheureusement, il n’existe pas de test de dépistage très précis pour reconnaître la présence réelle de l’infection. II n’y a pas non plus de recommandation claire sur ce qui semble le mieux à faire puisqu’il n’existe pas de traitement reconnu et probant actuellement à cette infection. C’est pour cela que le dépistage systématique du virus CMV avant ou pendant la grossesse n’est pas recommandé par la santé publique. Toutefois, les médecins peuvent demander un suivi chez une femme enceinte ciblée comme celles qui présentent des symptômes grippaux. Un suivi échographique peut aussi être demandé pour valider la bonne croissance du bébé dans de telles circonstances et un bon développement du placenta. Les critères de la SOGC proposent également le dépistage du CMV chez la femme enceinte si les échographies démontrent une problématique possible au niveau du système nerveux central du fœtus avec des calcifications, ou au niveau cardiaque et/ou abdominal.
Le diagnostic d’une infection au cytomégalovirus est possible, avec ses limites, via entre autres, une prise de sang (sérologie) afin de détecter les anticorps spécifiques «anti-CMV» qui témoignent d’une contamination ancienne ou nouvelle.
Chez la femme enceinte, ce moyen d’analyse est le plus fréquent. Il est ajouté à l’examen clinique et à la collecte des données du médecin.
Même si l’ensemble des symptômes est très ressemblant à une mononucléose, les sujets en bonne santé ne présenteront pas de mal de gorge avec l’infection du virus cytomégalovirus. C’est ce qui différencie les deux infections.
Il y a d’autres méthodes de diagnostic plus sophistiqué possibles que l’on peut utiliser pour dépister une infection ancienne ou récente par le cytomégalovirus, mais elles sont plus rares et variables d’un pays à l’autre. On proposera à certaines femmes enceintes de pratiquer une amniocentèse pour faire un prélèvement de liquide amniotique à 21 semaines de grossesse afin de voir si le bébé est contaminé in utero.
Le nouveau-né peut être infecté à même l’utérus de sa mère durant n’importe quel trimestre de la grossesse. De 0.2 à 2.4% des bébés sont dans le cas d’une infection congénitale. L’infection au CMV peut aussi survenir suite à la naissance, par une contamination néonatale.
Le diagnostic pour le bébé se fait la plupart du temps, par une prise d’urine ou de salive qui étudie la présence de bactéries, germes et autres agents possiblement responsables de l’infection. Le test à la salive est plus rapide à obtenir, mais attention, si le bébé a du lait de sa mère en bouche, car on peut alors dépister la mère (par son lait) au lieu du bébé lui-même. C’est pourquoi le test d’urine reste, dans la situation, plus spécifique et plus sensible lors du dépistage chez le nouveau-né. Le diagnostic précoce chez le nouveau-né avec une atteinte d’infection au CMV est très important, car le traitement doit être administré très rapidement, dans les premières semaines de vie (avant 14 à 21 jours de vie idéalement) et ce, pour 6 mois durant.
Les symptômes de l’infection «cytomégalovirus»
Chez les personnes en bonne santé, adultes et enfants contaminés, 90% ne présenteront aucun symptôme spécifique, c’est la raison pour laquelle on dit que c’est une infection «silencieuse». Mais, ces personnes peuvent aussi laisser paraître des signes anodins, non spécifiques, qui ressemblent à une grippe virale avec un peu de fièvre, un mal de tête, des malaises musculaires ou articulaires un peu partout, une fatigue généralisée et un grossissement de certains ganglions à l’examen clinique, un peu comme lors d’une mononucléose. Chez le bébé, on pourrait remarquer des problématiques au niveau de l’évaluation des yeux, du test auditif ou bien des évidences d’atteintes neurologiques à l’évaluation postnatale (ex: microcéphalie, convulsions). 5 à 15% des nouveau-nés peuvent avoir des séquelles d’une contamination congénitale au CMV.
Le cytomégalovirus pendant la grossesse
Pourquoi une infection par le cytomégalovirus attire-t-elle notre attention plus particulièrement lors d’une grossesse?
Il faut savoir que la contamination à cytomégalovirus entre une mère et son bébé est l’une des infections virales les plus rencontrées durant la grossesse. Si la mère a été contaminée dans son jeune âge, le virus peut se réactiver et amener des problèmes au fœtus. Et c’est encore plus probable, si la future mère est infectée durant sa grossesse pour la première fois (primo-infection). L’impact est alors plus dramatique. Dans ce dernier cas, on dit que plus de la moitié des bébés seront contaminés par le virus via le sang de leur mère.
L’impact plus sévère d’une infection primaire pour la femme enceinte peut provoquer chez elle, dans les pires cas, une pneumonie, un ulcère intestinal, une infection cervicale ou une cécité.
L’impact plus sévère d’une infection pour le bébé in utero (infection congénitale), peut entraîner en début de grossesse, un avortement, ou des complications majeures. Plus tard dans la grossesse, on peut remarquer un retard de développement, un retard de croissance, une naissance prématurée, des malformations au niveau du système nerveux central, une jaunisse plus importante provenant d’une lésion du foie (hépatique) et de la surdité. On pense que 30% des malformations rencontrées chez les bébés naissants seraient en lien avec le virus du CMV. On remarque également que, même si le bébé ne naît avec aucune manifestation clinique, 6% à 25% d’entre eux présenteront, dans les deux premières années de vie, des séquelles neurologiques (retard mental et psychomoteur) et sensorielles (perte auditive).
L’impact possible d’une infection au CMV chez le bébé en néonatal, c’est-à-dire contracté suite à la naissance peut s’avérer aussi grave, surtout si le bébé est né prématurément. Les répercussions peuvent être variées selon l’atteinte en cause, avec des complications au niveau de son foie et de son sang par exemple.
Le traitement et la prévention du CMV
Puisque l’infection au CMV disparaît spontanément ou reste latente dans l’organisme la plupart du temps chez les gens en santé, il n’est pas toujours indiqué de passer à un traitement antiviral. Actuellement, il n’existe aucun traitement qui peut diminuer le risque que le bébé in utero soit contaminé.
Pour les maladies graves, il y a des médicaments antiviraux contre le CMV (immunoglobuline), mais leur efficacité n’est pas très documentée. Pour les bébés, il y aura une prise en charge rapide à la naissance avec une équipe multidisciplinaire, un traitement d’antiviraux et un suivi pédiatrique serré avec un test en audiologie pour éliminer les atteintes à ce niveau.
Il y a encore beaucoup d’inconnu entourant l’infection par le cytomégalovirus durant la grossesse, pour le bébé à naître et pour le nouveau-né contaminé à la période néo-natale. Des recherches sont à poursuivre sur le sujet pour mieux comprendre le phénomène.
La prévention du CMV
Il n’existe pas encore de vaccin approuvé pour prévenir l’infection au cytomégalovirus, mais à venir puisqu’un vaccin est présentement à l’étude. Actuellement, la recherche évolue rapidement pour l’accès à un vaccin puisque cette infection est considérée à l’échelle mondiale comme une priorité en santé. D’ici peu, on pourra administrer un vaccin à une femme qui désire devenir enceinte ou en début de grossesse à celles qui ne possèdent pas d’anticorps au CMV dans leur sang (testée négative donc, ne sont pas infectées) pour empêcher de contracter cette infection durant la grossesse et contaminer leur bébé.
Sachant que le cytomégalovirus est souvent transmis par les enfants de moins de 3 ans, voici quelques règles d’hygiène et autres conseils préventifs proposés aux femmes enceintes:
- Se laver les mains régulièrement (lors des changements de couches également)
- Éviter de mettre des objets d’enfants à la bouche
- Ne pas embrasser les enfants sur la bouche
- Ne pas prendre son bain avec un enfant
- Éviter le contact direct avec une personne malade
- Se reposer
- Utiliser un préservatif lors des rapports sexuels pendant la grossesse
- Se reposer et diminuer le stress aideront à garder un bon système immunitaire plus performant pour éviter la contamination au CMV.
Lorsqu’une femme enceinte travaille régulièrement avec les jeunes enfants, qu’elle est en contact direct de façons répétées et fréquentes avec cette clientèle spécifique, elle aura droit à un traitement préventif automatique.
Le traitement préventif veut protéger les femmes enceintes plus à risque d’être contaminées comme celles qui travaillent dans un milieu de garde avec les bambins. On tentera ainsi de diminuer les risques de contamination directe en lien avec le programme de la santé-sécurité au travail «Maternité sans danger». Être transféré à des tâches différentes est aussi possible en respectant toutes les mesures préventives pour une femme enceinte.
Toute cette information sur l’infection par le cytomégalovirus est importante à connaître pour être en mesure de prévenir la contamination et épargner à la mère et à son bébé les répercussions possibles.
Marie Fortier
La spécialiste des bébés
Mise à jour de l’article : septembre 2023.