La violence conjugale à la période périnatale

Grossesse>Postnatal

Bonjour tout le monde,

Vous savez que j’ai l’habitude de vous dire franchement les choses et malheureusement, même si pour la majorité des couples, l’arrivée d’un bébé est un évènement heureux et épanouissant, ce n’est pas toujours vrai pour d’autres.

La vie en couple et les dynamiques qui se développent sont souvent soumises à des défis à travers le temps mais elles ne doivent pas être régies par la notion de contrôle sur l’autre, la peur et l’inégalité.

L’arrivée d’un bébé amène un niveau de stress et d’anxiété plus élevé, face à l’inconnu, aux imprévus et aux changements nécessaire dans le quotidien. Cette transition demande à un couple de s’ajuster, de revoir son quotidien, de gérer la fatigue, de redistribuer les tâches, de communiquer autrement et ça change aussi l’intimité. Tout cela peut se faire dans l’harmonie dans le couple, dans la famille au fur et à mesure du temps. Toutefois, ces changements peuvent aussi avoir comme conséquence d’augmenter un climat de tension à la maison, surtout s’il était présent auparavant, et d’engendrer de la violence.

En résumé, la violence ne s’arrête pas après la naissance! Bien au contraire.

Transition au parentage

Même si on sait que la violence conjugale peut arriver à tout moment de la vie, la période périnatale est une période de transition très importante à considérer, de vulnérabilité importante chez certains couples.

La violence conjugale à la période périnatale est un sujet d’actualité auquel on doit s’attarder, qui préoccupe la santé publique puisque les données scientifiques tendent à montrer une augmentation significative de la violence à cette étape de vie et principalement envers les femmes.

«Ça touche très peu de nouveaux parents » me direz-vous!  Et bien, détrompez-vous! La violence conjugale touche 1 femme sur 10 à la période périnatale (source INSPQ) Vous seriez surpris de connaître les cas avoués et dénoncés alors, imaginez si on ajoutait tous les autres qui restent cachés. On sous-estime vraiment cette réalité.

Vous savez comment j’aime les parents, que j’aime les bébés et je peux vous dire qu’en services à domicile comme infirmière en pré et postnatale pendant plus de 12 années, j’ai été témoin à de très nombreuses reprises de situation de violence. Quand je parle de violence au niveau conjugal, ce n’est pas nécessairement «un coup reçu»! La violence conjugale n’est pas facile à reconnaître car elle se passe le plus souvent à l’abri des regards, insidieusement.

Définition de la violence conjugale

Il y a plusieurs façons de définir la violence conjugale et je vous rapporte celle du Ministère québécois :

« Il s’agit d’une série d’actes répétitifs marqués par l’emprise et le contrôle qui arrive entre deux personnes qui sont unies par un lien amoureux ou intense en suivant une ascension. Ces actes ne correspondent pas à une perte de contrôle mais plutôt, à un moyen choisi pour dominer l’autre, faire valoir son pouvoir sur elle. »

La violence conjugale peut prendre différents visages.

Formes de violence conjugale

Toute personne peut vivre de la violence et ce, à tous les âges de la vie. Autant à l’intérieur d’un couple en relation que lors d’une relation extra-conjugale, peut importe l’orientation sexuelle.

Nous le savons tous, ce n’est pas un sujet dont on a envie de parler sur le bord de la rue avec une ancienne amie, n’est-ce pas? C’est un sujet tabou et puisque le tout se passe le plus souvent dans l’intimité, ce n’est vraiment pas facile de le reconnaître, même si parfois l’entourage peut s’en douter.

Encore aujourd’hui, la grande majorité des victimes de violence conjugale n’osent pas dénoncer leurs agresseurs pour différentes raisons. Et des raisons, il y en a autant que d’histoires de couple.

Photo Gabriel Benois

En voici quelques-unes :

  • Elles ont souvent peur des représailles encore plus grandes par la suite,
  • Elles ont peur de se retrouver seules et sans moyen,
  • Elles ont peur de perdre leur(s) enfant(s) face aux menaces reçues,
  • Elles se sentent honteuses et coupables,
  • Elles anticipent les réactions de leur famille, entourage, à leur travail.

La violence conjugale n’est pas du tout évidente à réaliser puisqu’elle est souvent subtile, cachée et graduelle. Toutefois, la violence est toujours marquée par l’emprise et le contrôle d’une personne sur une autre. La personne violentée se trouve de plus en plus isolée, dominée.

La violence conjugale peut se présenter sous différentes formes comme par exemple, les agressions psychologiques, verbales, physiques, sexuelles ou même de l’ordre économique ou administratif. Chaque type peut se vivre indépendamment des autres ou bien se retrouver interrelié dans une même dynamique de couple.

La violence psychologique et verbale

La violence psychologique peut se traduire par des insultes qui amènent du dénigrement, de l’humiliation. On voit aussi des situations où la victime agit sous la menace, se fait harceler constamment dans sa vie au quotidien et à dans ses relations sociales.

La personne qui exerce son contrôle pourrait regarder les courriels privés de sa conjointe ou les appels téléphoniques reçus personnellement.

 

 

La violence physique

La violence physique est la principale cause des blessures durant la grossesse et elles peuvent être la répercussion d’une chute dans l’escalier, une bousculade, être agrippé/e par le bras fortement etc….

Ce type de violence touche directement l’intégrité physique de la personne. Un coup de poing, un coup de pied, des morsures, des brûlures, des menaces avec une arme blanche ou autres sont aussi des exemples concrets de la façon d’exercer un contrôle sur quelqu’un.

 

La violence économique

Photo Jay Wennington

La violence économique fait référence à un agresseur qui s’organise pour avoir le plein contrôle de tout l’aspect financier de la maisonnée, autant les décisions que l’accès. Il peut bloquer tous les comptes de banque pour sa conjointe pour qu’il lui soit impossible d’en bénéficier de façon autonome.

Seul l’agresseur aura mainmise sur le budget, sur les dépenses au quotidien et en tout temps, la victime devra passer par son agresseur pour obtenir de l’argent pour un achat.

 

La violence sexuelle

La violence sexuelle est aussi présente et peut se vivre lorsque la personne est contrainte d’avoir des rapports sexuels qu’elle ne souhaite pas. Elle peut être aussi soumise à des pratiques sexuelles non désirées sous la menace et des répercussions possibles peuvent en découler.

Il y a même des agresseurs qui empêchent la contraception pour répondre à leur désir de concevoir et ce, sans avoir le consentement de leur conjoint/e. Jeter ses pilules par exemple, empêcher d’aller à la pharmacie pour se procurer ce qu’il faut, cacher les moyens de contraception comme le diaphragme et exiger des rapports sexuels à sa demande, selon ses besoins à lui/elle.

Évolution de la violence conjugale

Comme je le disais plus tôt dans ce billet, la violence conjugale ne s’arrête pas avec l’accouchement. Même si le bébé était désiré par l’agresseur/e, un bébé change la vie au quotidien et des réactions encore plus grandes peuvent se manifester sous la frustration ressentie.

Il y a comme une espèce d’engrenage qui se met en place et forme le cycle de violence.

Ça commence avec de la tension La personne violente qui est sous tension peut réagir encore plus avec excès, devenir très en colère et menacer l’autre par un regard qui en dit long, qui fait peur. La personne qui subit cette violence se sent inquiète et elle fait attention à tout ce qu’elle dit ou fait pour ne pas provoquer encore plus de réactions de son conjoint/sa conjointe.

Ça continue avec l’agression : L’agresseur usera de contrôle au niveau des différentes sphères de violence soit, psychologiquement, physiquement, sexuellement ou économiquement. La victime sera alors triste et elle va se sentir humiliée.

Ça se poursuit avec la justification La personne violente tentera de justifier son comportement excessif et/ou son attitude disproportionnée. Elle expliquera le pourquoi de sa réaction, de ses actes et excusera finalement ce qu’elle a dit ou fait. Dans ces conditions, la victime elle, tente de comprendre la situation verbalisée par l’agresseur, et essaie de l’aider. Elle en vient même à douter de ses propres perceptions et en conclusion, elle se sent responsable des événements violents, c’est de sa faute que tout cela soit survenu.

La violence évolue encore vers la réconciliation C’est l’étape où l’agresseur demande pardon, pleure, se repentit. Il est souvent très attentionné à ce moment et il démontre de l’ouverture pour demander de l’aide, aller en thérapie, voir un professionnel pour le soutenir dans un processus de changement de comportement. Il peut même menacer de se suicider.
La victime se sent touchée et pense que la situation peut finalement changer. Elle veut lui apporter son aide, elle est disposée à lui donner une chance. Elle peut même arriver à changer, à adapter ses propres habitudes de vie pour éviter que des situations de crise se manifestent à nouveau chez son conjoint/sa conjointe.

Toute cette escalade de la violence conjugale vécue à la période périnatale engendre à coup sûr, des conséquences d’intensité variable à court, à moyen et à long terme et ce, à différents niveaux.

Conséquences de la violence conjugale

Subir de la violence de quelques formes que ce soit, peut amener des conséquences importantes chez la victime. Ces répercussions sont nombreuses et touchent autant le physique, le mental que l’émotionnel et le côté social.

Chez une femme enceinte ou une nouvelle mère, des problèmes de santé peuvent survenir et être secondaires à un climat de violence qu’elle vit. Même si plusieurs symptômes demeurent non spécifiques à la violence, ils peuvent néanmoins être associés à des problèmes de violence sous-jacents, ce qui explique encore une fois, la complexité à  reconnaître la violence.

On peut penser facilement dans ce cadre à :

  • La dépression
  • L’anxiété
  • Des problèmes de santé mentale
  • La prise d’alcool et/ou de drogue
  • La douleur chronique
  • Des troubles de sommeil

Et bien d’autres problématiques possibles.

Pour le bébé à venir, on sait qu’un climat de violence augmente le risque d’accouchement prématuré, que le bébé a plu souvent, un poids plus faible à la naissance et que son état nécessite plus de soins médicaux qu’en général suite à l’accouchement. Cela dit, on comprend rapidement que ce petit bébé arrive dans une atmosphère de violence préexistante qui l’expose directement à vivre, à son tour, cette violence comme d’être un bébé secoué par exemple. 

Le processus d’attachement du bébé à ses parents peut être compromis ainsi que le développement de sa sécurité, de sa confiance, qui pourraient le rendre vulnérable à la longue, à des troubles de comportement, des difficultés sociales, des problèmes d’apprentissage, des problèmes de santé physique et mentale et finalement, il sera plus à risque de subir directement de la violence, des agressions physiques, psychologiques et sexuelles à venir.

L’aide et les ressources disponibles

Le cycle de la violence est une roue infernale qui peut être bloquée, mais, pour cela, il faut de l’aide, et pour avoir de l’aide, il faut s’ouvrir, exprimer ce qui est vécu à quelqu’un de confiance pour garder la victime et les enfants en sécurité.

La période périnatale peut être propice pour demander de l’aide puisque la femme qui vit de la violence peut arriver à dénoncer son agresseur pour se protéger elle-même mais surtout, ses enfants.

Il y a de nombreux services pour aider lors d’une dénonciation mais aussi pour vous accompagner et contribuer à la prévention contre la violence conjugale :

Si vous êtes témoin de violence dans la famille ou au travail, suivez votre jugement, votre intuition pour éviter les situations dangereuses ou même des drames qui pourraient survenir.

Je sais que de lire tout cela n’est pas rose mais en même temps, ce billet se veut, un éclaircissement de ce que vous pouvez vivre ou ressentir autour de vous. Mettre des mots sur des situations parfois pas évidentes à réaliser. Il y a une lumière, une autre voie à prendre pour sortir de cet engrenage et vous protéger vous-même, et vos enfants, de la violence conjugale.

Avec toute ma compassion,

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