Les conditions génétiques et chromosomiques

Génétique>Grossesse
Février 2024.

On utilise généralement le terme de risque génétique pour définir de manière globale le risque de transmettre une maladie héréditaire causée par un changement dans notre information génétique.

Mais saviez-vous qu’il existe différents types de conditions qui impliquent notre ADN? Selon s’il s’agit d’une « faute d’orthographe » dans notre code génétique ou d’un morceau de chromosome manquant ou supplémentaire? Et saviez-vous que toutes les conditions génétiques ne sont pas forcément héréditaires?

Avant de débuter, un petit rappel sur notre génétique…

Notre corps est constitué de milliards de cellules, chacune contenant un noyau dans lequel se trouvent tous nos chromosomes, qui sont des bâtonnets d’ADN condensés. Nos chromosomes sont répartis en 23 paires, dont une paire de chromosomes sexuels (généralement XX ou XY). Nous avons classé et numéroté les chromosomes de 1 à 22 selon leur taille décroissante. Les chromosomes sont eux constitués de brins d’ADN condensés et enroulés sur eux-mêmes. Ces brins sont composés d’une combinaison unique des 4 lettres du code génétique (A, T, C, G). Cette séquence d’ADN peut être comparé à un manuel d’instruction qui guide le fonctionnement des cellules de notre organisme.

De quoi s’agit-il lorsque nous parlons d’anomalie chromosomique?

Des copies de chromosomes supplémentaires ou manquantes (les aneuploïdies)

Lorsqu’une copie chromosomique est dupliquée, on parle de trisomie, car nous nous retrouvons avec trois copies de ce chromosome au lieu de deux. La trisomie 21 (aussi appelée syndrome de Down) est donc la présence d’une copie supplémentaire du chromosome numéro 21. De la même manière, on parle de monosomie lorsqu’une copie est manquante. C’est notamment le cas pour le syndrome de Turner (aussi appelé monosomie X) dans lequel le seul
chromosome sexuel présent est un chromosome X.

Seulement dans quelques cas spécifiques (incluant la trisomie 21 et la monosomie X, mais aussi les trisomies 18 et 13, et les autres anomalies touchant les chromosomes sexuels), ces conditions peuvent être compatibles avec la vie, mais mènent à la présence potentielle de malformations congénitales, de problématique de développement et de déficience intellectuelle.

Cependant, la plupart de ces anomalies chromosomiques ne sont pas compatibles avec le développement d’une grossesse à terme et ne sont donc non pas viables, ce qui signifie qu’une conception qui en serait affectée pourrait mener à un échec d’implantation ou une fausse-couche précoce.

Pour la plupart de ces anomalies, le mécanisme en cause est appelé non-disjonction et correspond à une mauvaise répartition des chromosomes dans les ovocytes ou les spermatozoïdes au moment de la formation d’un embryon. Si toutes les grossesses sont à risque d’être affectées par une telle condition, le facteur principal déterminant le risque de leur occurrence est l’âge maternel. Effectivement, la réserve d’ovocytes portée par les individus de sexe féminin est déterminée dès le stade embryonnaire et diminue en qualité et en quantité à partir de la puberté. Plus on avance en âge, moins notre corps sera capable de réparer les potentielles erreurs de répartition des chromosomes et donc plus le risque d’aneuploïdie sera élevé.

Le dépistage standard non invasif par ADN fœtal évalue le risque pour une grossesse d’être atteinte d’une aneuploïdie viable fréquente (trisomie 21, 18 et 13) avec pour possibilité d’ajouter l’évaluation du risque pour les anomalies des chromosomes sexuels (X, Y). Certaines technologies vont permettre d’estimer également le risque pour des aneuploïdies dans les autres chromosomes.

Si une grossesse précédente a été diagnostiquée avec une anomalie chromosomique, des options de diagnostic prénatal invasif (biopsie des villosités choriales ou amniocentèse) sont disponibles.

Des petits fragments de chromosomes supplémentaires ou manquants (les microdélétions et microduplications)

Au lieu d’un chromosome entier, c’est parfois seulement une portion qui est manquante ou supplémentaire.

Ces anomalies sont généralement viables, mais peuvent être à l’origine de pertes fœtales ou de syndrome qui se présente avec des manifestations physique et/ou développementales. C’est par exemple le cas du syndrome de Di-George qui correspond à une duplication d’une petite partie du chromosome 22. Contrairement aux anomalies de chromosomes entiers, le risque d’avoir une grossesse atteinte de microdélétions et microduplications n’est pas influencée par l’âge maternel.

Certaines technologies de dépistage non invasif par ADN fœtal offrent la possibilité d’évaluer le risque pour une grossesse d’être atteinte d’un syndrome de microdélétion. Ce type de dépistage n’est généralement pas inclut dans les recommandations standard canadienne, car le risque individuel de chaque syndrome est faible et n’augmente pas avec l’âge maternel.

Si un risque d’un syndrome de microdéletion spécifique est connu, des analyses génétiques pré-implantatoire sur des embryons issus de FIV (DPI-RS ou DPI-M) ou de diagnostic prénatal invasif (biopsie des villosités choriales ou amniocentèse) sont disponibles.

Des changements dans la structure des chromosomes (les réarrangements chromosomiques)

Les réarrangements les plus fréquentes sont les translocations, qui présentent des portions de matériel génétique qui sont échangées entre différentes paires de chromosomes. Lorsque le changement n’entraîne pas de perte d’ADN, on peut être porteur d’une translocation de manière silencieuse, sans que cela ne cause aucune conséquence sur notre santé directe.

Cependant, lorsque nous transmettons ce type de réarrangement dit « équilibré » à notre descendance, il est possible qu’il devienne « déséquilibré », c’est-à-dire que l’embryon formé se retrouve avec une portion de chromosome en plus ou en moins (aneuploïdie complète ou partielle). Ici aussi, comme il y a une variation de la quantité de matériel chromosomique, cela peut entraîner des risques significatifs pour la conception, incluant des échecs d’implantation, des fausses-couches précoces, et le risque d’avoir un enfant atteint d’un syndrome chromosomique. Ces variations peuvent se retrouver aussi bien chez les hommes que chez les femmes.

Les tests de dépistage non invasif par ADN fœtal ne sont pas en mesure de détecter un changement de structure équilibré dans les chromosomes. Des analyses de caryotype sont requises chez les deux partenaires, notamment lorsqu’un couple vit des fausses-couches récurrentes, pour vérifier l’absence de réarrangement chromosomique silencieux qui pourrait en être la cause. Si un réarrangement connu est présent chez l’un des parents biologiques, des analyses génétiques pré- implantatoires sur des embryons issus de FIV (DPI-RS) ou de diagnostic prénatal invasif (biopsie des villosités choriales ou
amniocentèse) sont disponibles.

De quoi s’agit-il lorsque nous parlons d’anomalie génétique ?

Des fautes d’orthographe dans le code de l’ADN (les variants ou mutations génétiques)

Les anomalies dites génétiques sont généralement causées par toute faute d’orthographe dans les instructions de l’ADN : lettre(s) manquante(s), lettre(s) supplémentaire(s) ou lettre modifiée pour une autre, donnant une instruction délétère. Selon la position et la nature du changement dans la phrase de l’ADN, les conséquences sur la santé peuvent être variables : certains changement appelés polymorphisme ne vont avoir aucune conséquence, alors que d’autres vont être à l’origine de conditions génétiques potentiellement sévères comme c’est le cas pour la fibrose kystique, les thalassémies, ou la neurofibromatose.

Des répétitions surnuméraires de trois lettres du code génétique (les expansions de triplets de nucléotides)

Certaines conditions génétiques sont causées par un trop grand nombre de répétitions de triplets de lettres de l’ADN. Pour chacune de ces maladies, il existe un seuil de nombre de répétitions au-delà duquel les symptômes peuvent apparaître. Parfois, le nombre de répétitions (et donc la sévérité) peut grandir en passant d’une génération à une autre – c’est notamment le cas pour la dystrophie myotonique de Steinert, la chorée de Huntington et le syndrome du X-Fragile.

Dans le cas des anomalies génétiques subtiles, aucun test de dépistage non-invasif n’est validé cliniquement pour évaluer leur risque global pour une grossesse. Si un couple ou un individu est à risque de transmettre une condition génétique spécifique à sa descendance, des options ciblées de diagnostic pré-implantatoire sur des embryons issus de fécondation in- vitro (DPI-M) ainsi que des options de diagnostic prénatal invasif (biopsie des villosités choriales ou amniocentèse) sont disponibles.

Toutes les anomalies génétiques et chromosomiques sont-elles héréditaires?

La plupart des changements chromosomiques sont des évènements sporadiques, accidentels, qui ne proviennent pas de l’un ou l’autre des parents biologiques et se produisent de manière aléatoire, « de novo ». Quand le syndrome est compatible avec le fait de concevoir, celui-ci ne sera pas automatiquement transmis à la descendance de l’individu atteint (cela dépend de chaque cas particulier). Les réarrangements chromosomiques sont par contre des modifications héréditaires qui peuvent être transmises de manière équilibrée ou non, de génération en génération.

En conclusion, certains variants génétiques sont transmis de génération en génération, tandis que d’autre se produisent de manière accidentelle sans que les parents biologiques en soient porteurs. Il existe trois principaux modes de transmission de ces conditions génétiques : autosomique récessive, autosomique dominant, et lié à l’X. Le terme autosomique désigne une transmission qui n’est pas influencée par le sexe chromosomique, c’est-à-dire que les individus de sexe masculine et féminin auront le même mode de transmission, contrairement aux conditions liées au chromosome X dont la transmission varie selon le sexe de l’individu porteur. Les conditions récessives nécessitent deux parents biologiques porteurs silencieux pour pouvoir être transmises avec un risque de 25%, alors que les conditions dominantes se transmettent via un seul individu atteint à 50% de sa descendance.

Vous l’aurez compris, il existe une grande diversité de causes génétiques et chromosomiques qui peuvent être à l’origine de maladies, qui ne sont pas toujours héritées. Pour vous aider à naviguer dans l’offre de tests disponibles et leurs indications, vous pouvez consulter notre article suivant au sujet des analyses génétiques. Si vous des préoccupations par rapport à des antécédents génétiques ou chromosomiques personnels ou familiaux, n’hésitez pas à contacter notre équipe d’experts en génétique.

 

 

Claire Bascunana, Conseillère en génétique (MSc, CCGC)

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