Vous savez, devenir parent est une transition très importante dans une vie. Même si l’on souhaitait ardemment accueillir un bébé dans sa vie. On se retrouve très rapidement devant l’inconnu, dans le vide face à des questions et des préoccupations qui nous laissent parfois sans réponse. On perd le contrôle sur plusieurs choses comme, on apprend chaque jour à fonctionner avec divers symptômes durant toute la gestation et ensuite avec nos enfants. Cela demande continuellement une adaptation, au fur et à mesure de chaque étape de vie.
Selon la littérature actuelle, il y a beaucoup d’anxiété qui est vécue à la période périnatale, soit deux fois plus qu’habituellement et davantage chez les femmes. On parle de 1 personne sur 4 qui sera aux prises avec des symptômes reliés à l’anxiété à cette période spécifique. Les symptômes sont encore plus fréquents et plus intenses chez les personnes qui vivaient déjà de l’anxiété avant.
Dans ce billet :
Devenir parent, pas toujours évident
L’inquiétude et les niveaux d’anxiété
Les manifestations de l’anxiété : TAG, crises de panique et TOC
Les manifestations de l’anxiété : phobies et stress post-traumatique
Les répercussions possibles des troubles anxieux
Les impacts de l’anxiété périnatale
Facteurs prédisposant à vivre de l’anxiété périnatale
L’anxiété périnatale chez les hommes et les femmes
Ressources et soutien indispensables
Devenir parent, pas toujours évident!
Peut-être me direz-vous, que c’est normal de vivre de l’anxiété à la période entourant la venue d’un bébé, face à tout cet inconnu. Hé bien oui! Tout à fait. Mais, comment distinguer si l’anxiété que vous vivez est normale ou excessive? Là, c’est une autre réflexion à avoir.
Nous aborderons dans ce billet, la définition de l’anxiété, chez les hommes et chez les femmes, les différentes formes de l’anxiété, les conséquences potentielles ainsi que les services d’aide disponibles pour vous.
Définition de l’anxiété
Le terme « anxiété » est souvent utilisé pour regrouper un ensemble de phénomènes comme la peur, le stress, les inquiétudes, les préoccupations, la panique, l’angoisse.
Lorsqu’un parent parle de son anxiété et de ce qu’il ressent, il rapporte souvent ces aspects de façon générale pour décrire le malaise qu’il vit.
Plusieurs mères et pères rapportent un stress ou une anxiété de diverses intensités dès le premier trimestre de grossesse ou suite à l’accouchement. Les déclencheurs d’anxiété dans cette période de vie peuvent être multiples. Cela peut être une situation spécifique, comme par exemple un parent inquiet en voyant l’état de santé de son enfant qui se détériore ou un parent qui s’inquiète à cause d’une diminution de ses revenus. Cela peut être aussi une situation appréhendée comme la peur d’une maladie pour soi ou son enfant, la peur de problèmes financiers futurs, la peur que le couple vive des difficultés, etc. Cela peut aussi être l’incertitude en elle-même, le fait de ne pas savoir ou de ne pas pouvoir tout contrôler.
D’autres personnes parlent en termes d’inquiétudes ou de peurs spécifiques : « je m’en fais beaucoup par rapport à ma santé », «j’ai peur de l’accouchement», «j’ai peur de mourir ».
D’autres vont rapporter une appréhension générale que quelque chose de négatif et d’incertain se produise comme par exemple, que bébé manque d’oxygène.
Enfin, d’autres abordent surtout leur anxiété en termes de malaises physiques et somatiques comme de la tension, de l’agitation, une sensation d’être toujours sur le qui-vive et des crises d’angoisse.
De façon globale ou générale, l’anxiété est vue comme un « état » caractérisé par de l’appréhension par rapport à une situation/conséquence négative comportant un danger réel ou anticipé.
Cet état d’anxiété s’observe selon quatre dimensions principales :
– Émotionnelle, c’est-à-dire, se sentir anxieux, agité intérieurement, irritable, avec de la colère comme émotion secondaire
– Physiologique, comme la tension musculaire, les palpitations cardiaques, le souffle court, des douleurs à la poitrine
– Cognitive, qui fait référence davantage à la pensée, comme les inquiétudes, les obsessions, la peur de mourir ou de perdre le contrôle
– Comportementale, ou l’on veut éviter des endroits par peur de se sentir mal, surprotéger l’enfant, contrôler son environnement
Il faut dire qu’un suivi de grossesse permet des contacts répétés avec un intervenant de la santé. Celui-ci pourra aider à l’identification des signes de détresse au niveau mental (SOGC, octobre 2024).
Référence :
-
SOGC : Journal, volume 46, issue 10, octobre 2024 : Simon N. Vigod Md Msc, Benicio N. Frey, Md Phd
L’inquiétude et les niveaux d’anxiété
L’inquiétude, très fréquente dans la période périnatale, peut-être définie pour sa part comme un enchaînement de pensées difficiles à contrôler et accompagnées d’émotions négatives. On parle d’enchaînement de pensées parce qu’une inquiétude se présente rarement seule. Elle engendre habituellement d’autres inquiétudes qui varient beaucoup dépendamment des situations. Comme par exemple, avoir peur de ne pas manger toutes les bonnes choses durant la grossesse pour que le bébé ne manque de rien.
Comme la période périnatale implique une multitude de changements, des nouveaux rôles, divers apprentissages à faire et défis à relever, il y a nécessairement une période d’adaptation pour la plupart des parents durant laquelle plusieurs éléments stressants peuvent survenir. En ce sens, il est vrai que des mères et pères développent pour la première fois de l’anxiété excessive ou un trouble anxieux à la période périnatale. Il est encore plus fréquent de constater que l’anxiété était déjà présente avant cette période et que les symptômes anxieux augmentent durant la périnatalité.
Le fait qu’un futur ou nouveau parent puisse faire la distinction entre ses inquiétudes, du stress et des symptômes physiologiques de l’anxiété, est très utile pour lui puisqu’il pourra ensuite mieux identifier ce qu’il vit, mieux comprendre ses réactions et ainsi, devenir plus apte à travailler la situation. On peut par exemple offrir des stratégies pour l’inquiétude, d’autres pour la gestion de l’émotion de l’anxiété, d’autres encore pour travailler les réactions comportementales comme l’évitement et la réassurance qui vient perturber le fonctionnement de la personne. D’autres techniques peuvent aussi être proposées pour travailler les facteurs de vulnérabilité propres à la personne.
Les niveaux d’anxiété
Comment savoir que mon anxiété est excessive ou pas ?
Hé bien, c’est une bonne question! Puisqu’il n’y a pas de critère bien déterminé à l’avance qui dit en terme de quantité d’anxiété, ce qui est dit normal ou excessif ou de type d’anxiété moins pire ou pire que d’autres. Tout est dans le comment l’anxiété est vécue par la personne et dans son intensité. C’est une notion très subjective qui appartient à l’individu lui-même. Chaque personne est unique, chaque apprentissage de vie acquise avec le temps et l’âge façonne la façon de réagir et de composer avec les situations nouvelles, les difficultés, les imprévus et les problèmes à régler.
Une femme peut être bien mal à l’aise devant le fait de ne pas savoir comment se passera son accouchement puis un papa de ne pas comprendre les pleurs de son bébé.
Un premier critère pour départager ce qui est plus « excessif » comme anxiété, est la perturbation que l’anxiété entraîne sur le fonctionnement de la personne.
On peut dire qu’un papa peut s’inquiéter à priori de ses compétences et qu’il ait peur de mal faire les choses auprès de son bébé, mais si l’anxiété le mène à délaisser son enfant ou à laisser de plus en plus son amoureuse assumer les responsabilités de leur bébé par crainte de se tromper, alors cela perturbe le bon fonctionnement du père auprès de sa progéniture.
Dans le même sens, on peut s’attendre à ce qu’une mère éprouve une montée d’inquiétude lorsqu’elle quitte la première fois son bébé pour une sortie avec des amies ou son conjoint et qu’elle appelle la gardienne pour se rassurer. Mais si sa sortie lui cause des malaises physiques découlant de l’anxiété et qu’elle doit revenir à la maison pour se calmer et veiller sur son enfant, là, c’est plus que de l’inquiétude.
Selon certains travaux de recherche, on peut constater que plus de 60% des parents rapportent s’inquiéter plus après l’arrivée de leur enfant et environ 25% disent que leurs inquiétudes nuisent à leur fonctionnement. On peut dire qu’un parent sur 4 éprouve un niveau d’anxiété plus élevé à cette période, ce qui est plutôt élevé.
La notion de perturbation ou d’interférence sur la qualité de vie est essentielle à considérer. Les proches comme les amis, les parents, le ou la conjoint(e) peuvent aider à réfléchir sur la place qu’occupe l’anxiété sur le plan personnel, mais aussi sur la dynamique relationnelle, le couple et la famille.
Un deuxième critère est la détresse que peut ressentir le parent à cause de son anxiété. Des signes de détresse peuvent être la tristesse, la dépression, des idées noires, un sentiment de vulnérabilité, l’isolement ou l’impression de manquer de soutien.
Si l’un ou l’autre de ces éléments est présent, soit la perturbation du fonctionnement ou bien la détresse, il est possible que le parent présente de l’anxiété plus excessive, qu’il pourrait alors catégoriser de « moins normale ». Toutefois, il ne faut pas que la personne anxieuse se questionne constamment à savoir si son anxiété est normale ou pas si elle est justifiée ou non. C’est bien plus la détresse ressentie, qui amène la personne anxieuse à prendre conscience de son problème et la pertinence de consulter par la suite.
Les manifestations de l’anxiété périnatale : TAG, crises de panique, TOC
Lorsqu’un parent reconnaît que son anxiété altère son fonctionnement au quotidien, on peut reconnaître un ou plusieurs troubles anxieux possibles qui ont chacun leurs particularités. Je parle ici des troubles anxieux généralisés (TAG) comme les troubles de panique, les obsessions et compulsions, les phobies, le trouble de stress post-traumatique découlant de l’accouchement.
Les troubles anxieux ont une caractéristique commune : « la présence d’une peur ou d’une préoccupation excessive par rapport à une situation ou quelque chose de plus ou moins spécifique » . Ça peut être quelque chose dans le présent ou dans le futur. Ce qui distingue les troubles anxieux entre eux est « l’objet » de la peur, ce que la personne appréhende, et l’ensemble des manifestations anxieuses ou symptômes qui l’accompagnent. Je vous présente les différents troubles anxieux avec les caractéristiques respectives les plus connues s’y rapportant:
Le trouble d’anxiété généralisée (aussi appelé TAG)
Manifestations principales :
- Présence d’anxiété et d’inquiétudes excessives par rapport à plusieurs sphères de vie ou d’activités
- Les inquiétudes sont présentes la plupart du temps depuis plusieurs mois et sont incontrôlables
- Les inquiétudes s’accompagnent de symptômes somatiques comme des difficultés de concentration, trous de mémoire, fatigue, difficulté de sommeil, agitation.
En d’autres mots : Si une mère ou un père a l’impression de s’inquiéter plus de 50% de son temps, par rapport à plusieurs choses, il est possible qu’elle présente un Trouble d’anxiété généralisée (TAG). Ça peut être des inquiétudes par rapport à des choses mineures de la vie quotidienne ou des sujets plus importants comme les finances, la santé des enfants, sa condition physique ou psychologique, le futur. Un rien peut l’amener à s’inquiéter. Chaque parent a des éléments qui le préoccupent davantage.
Les travaux de différents chercheurs montrent que le TAG est le trouble anxieux le plus répandu en périnatalité ; il touche près de 9% des mères. Les taux sont un peu plus bas pour les pères, mais se ressemblent dans certaines études. C’est donc presque 1 personne sur 10 qui risque de présenter cette problématique. Comme le principal symptôme du TAG est l’inquiétude et qu’elle est moins apparente de l’extérieur, c’est le trouble anxieux le plus difficile à identifier. Des chercheurs ont évalué des mères à plusieurs reprises durant la grossesse et après l’accouchement et ils ont démontré que le TAG avait tendance à être stable ou chronique et que peu de mères voient leurs symptômes s’estomper d’eux-mêmes spontanément. De récents travaux de recherches chez les pères montrent que la période postnatale allant de 2 et 12 mois, est la période où ils sont plus à risque de développer des inquiétudes excessives. Enfin, le TAG en périnatalité est vu comme un des troubles pouvant augmenter les risques d’apparition d’une dépression post-natale.
Le trouble panique avec ou sans agoraphobie
Manifestations principales :
- La présence d’attaques de panique récurrentes, dont certaines se produisent de manière inattendue
- La peur excessive de refaire une attaque de panique.
Les attaques de panique constituent des montées très intenses et rapides d’anxiété qui s’accompagnent de symptômes comme une augmentation des palpitations cardiaques, des difficultés à respirer, de la transpiration, des bouffées de chaleur et des tremblements. Ces symptômes s’accompagnent souvent de peur de devenir fou, de s’évanouir, de mourir ou de faire une crise cardiaque. Les attaques de panique peuvent être associées à des comportements d’évitement importants, comme l’évitement de certains endroits dans lesquels la personne craint de se sentir mal et de vivre une attaque de panique. On parlera alors de trouble panique avec agoraphobie, la peur de se retrouver en dehors de son domicile ou dans un lieu public.
Exemple : Une mère qui donne le bain à son enfant et qui vit tout à coup une attaque de panique, peut en arriver à éviter de donner les bains. Plusieurs nouveaux parents rapportent des attaques de paniques en automobile, dans des endroits commerciaux ou à des lieux plus spécifiques de la maison.
Quelques caractéristiques particulières : Le trouble panique est un des troubles qui peut avoir un impact important sur la qualité de vie des nouveaux parents étant donné l’évitement des situations qui tend à augmenter. Les symptômes sont inconfortables donc la personne tend à essayer de les éviter. L’aspect intense, soudain et inattendu des attaques de panique fait qu’elles sont souvent associées à des questionnements majeurs sur la santé mentale. Habituellement, le parent ne comprend pas ce qui se passe et se demande vraiment s’il n’est pas en train de devenir fou. Puisque les symptômes ressentis sont de nature très physiques, cela amène aussi le papa et la maman à se questionner sur la présence possible de problème cardiaque ou d’autres maladies physiques. Ils peuvent même douter de leur capacité à prendre soin de l’enfant, ce qui leur occasionne encore plus de détresse puisqu’ils ne veulent pas rester seuls. Dans le temps, il semble que les attaques de panique tendent à diminuer durant la grossesse et à augmenter autour du sixième mois postnatal.
Les obsessions et les compulsions (le trouble obsessionnel compulsif ou trouble obsessif compulsif ou TOC)
Manifestations principales : Les obsessions, se caractérisent principalement par la présence d’obsessions qui sont des pensées récurrentes, dérangeantes, se présentant davantage sous forme d’images. Les principales obsessions en périnatalité concernent :
- Des pensées de contamination,
- Des pensées de faire mal à son enfant contre son gré,
- Des visions d’accidents,
- Des pensées sexuelles inacceptables.
Ces pensées se présentent surtout sous la forme d’images mentales.
La deuxième caractéristique est la présence de compulsions automatiques, soit la répétition de comportements en réponse à l’obsession ou en réponse à des règles personnelles rigides.
Ces compulsions visent à réduire la détresse et le malaise causés par les obsessions, ou à empêcher un danger de se produire comme par exemple, d’aller vérifier si la porte est vraiment barrée plusieurs fois pour éviter l’entrée d’un inconnu afin de protéger le bébé dans sa chambre. Il peut aussi s’agir de compulsions mentales, comme de se répéter une phrase ou un chiffre constamment.
La mère ou le père ne peuvent s’empêcher de faire les compulsions étant donné le malaise et la détresse ressentis. Cela peut se traduire par de l’évitement, exercé un contrôle extrême et la vérification excessive, entre autres. Même si ce trouble est plus répandu qu’on le pense, le fait que le parent ait peur d’être jugé l’amène à ne pas en parler et à cacher les comportements typiques du trouble obsessif-compulsif le plus possible ( 2% à la période périnatale).
À noter qu’à ce niveau, il n’y a pas de perte de contact avec la réalité comme entendre des voix ou voir des choses non réelles (pensées psychotiques ou psychose). Le trouble obsessif-compulsif est toujours associés à une détresse.
Les manifestations de l’anxiété : phobies et stress post-traumatique
Les phobies spécifiques liées à la période périnatale
Plusieurs peurs spécifiques et très intenses peuvent se présenter dans la période périnatale. Deux phobies sont relativement fréquentes et peuvent avoir une interférence importante sur le fonctionnement.
La première est la peur de l’accouchement, aussi appelé tocophobie. En bref, la peur de l’accouchement peut comporter diverses peurs comme celle de la douleur, de complications et la mort, pour soi ou pour le bébé. Elle peut aussi inclure la peur de perdre le contrôle durant l’accouchement ou que l’accouchement soit une expérience traumatisante. À un certain degré, la peur de l’accouchement est présente chez la majorité des mères. Encore une fois, pour que cela soit considéré comme un trouble anxieux, il faut que cela interfère avec le fonctionnement de la mère. La femme enceinte reconnait que sa peur est excessive. Enfin, sa peur est liée à beaucoup d’évitement. J’ai déjà traité en détail de ce sujet dans un billet éducatif, je vous invite à consulter La peur de l’accouchement vous connaissez? Cette peur se nomme la tocophobie.
Une deuxième phobie rencontrée en périnatalité est la peur de vomir.
En fait, la peur de vomir est une phobie assez fréquente chez les enfants et les adultes. Durant la grossesse, les nausées peuvent venir réactiver cette peur chez certaines mères qui en arrivent ensuite à appréhender l’ensemble de la grossesse, l’accouchement et même, la période postnatale étant donné la régurgitation et les vomissements fréquents chez le nouveau-né. S’en suivent alors d’autres inquiétudes, comme celle d’avoir peur de ne pas être capable de s’occuper du bébé, d’être un fardeau pour la famille etc. Tout comme pour la peur de l’accouchement, la peur de vomir peut teinter grandement la préparation de la mère durant la grossesse qui essaiera d’éviter le plus possible toutes les situations qui pourraient l’amener à avoir envie de vomir. Après l’accouchement, la nouvelle mère aura tendance à sur vérifier la santé de l’enfant et à exercer un sur contrôle pour éviter qu’il soit malade, lui-même ou l’un des membres de la famille.
Le trouble de stress post-traumatique découlant de l’accouchement
Comme son nom l’indique, le trouble de stress post-traumatique lié à l’accouchement est identifié lorsque le père ou la mère présente un ensemble de symptômes anxieux à la suite d’une expérience d’accouchement jugée traumatique, effrayante ou menaçante.
Manifestations principales : En d’autres mots, le trouble de stress post-traumatique peut se produire lorsque le parent présente un ensemble de symptômes anxieux à la suite d’une expérience d’accouchement jugée traumatisante, effrayante et menaçante. Voir l’expérience de l’accouchement comme une menace, un danger pour sa vie ou la vie du bébé ou celle du partenaire. Ainsi, cela peut se produire juste en étant témoin d’un danger pour le bébé ou le/la partenaire. La personne se sent impuissante.
Une fois l’accouchement passé, le parent rapporte revivre l’expérience traumatisante à répétition :
- Des souvenirs ou pensées répétitifs involontaires provoquant de la détresse,
- Dans des flashbacks où il se sent comme s’il revivait la situation traumatique,
- Dans des rêves répétitifs de l’évènement provoquant un sentiment de détresse,
- En revoyant des éléments qui lui font repenser à l’accouchement (une jaquette d’hôpital, le cordon ombilical, des personnes).
Comme pour les troubles anxieux précédents, le parent peut manifester une augmentation d’irritabilité, de colère, d’hypervigilance et de réactions de sursaut. Il peut en venir à de l’évitement ou à des efforts pour échapper à des les souvenirs ou des choses qui lui rappellent ce qu’il a vécu comme : l’endroit, certaines personnes, des conversations sur la naissance etc.
Trouble d’anxiété sociale ou phobie sociale
C’est probablement le trouble anxieux le moins étudié dans la période périnatale.
Manifestations principales : Peur excessive et persistante en situation sociale ou peur d’être évaluée négativement. Le parent ressent de l’anxiété presque chaque fois qu’il est en présence de gens qui pourraient le juger. Le parent reconnaît que sa peur est excessive. Il évite généralement les situations sociales ou les subit avec beaucoup de détresse.
On peut remarquer chez environ de 2 à 6% des mères que, les changements corporels, les nouveaux rôles de parents et le fait que la mère passe beaucoup de temps avec l’enfant peut l’amener à se préoccuper de n’avoir rien à dire d’intéressant et/ou de mal paraître face aux autres. Elle se compare souvent et peut même douter de ce qu’elle fait avec le bébé et s’isoler davantage, ce qui augmente par le fait même, sa détresse.
Les répercussions possibles des troubles anxieux
Il est important de dire que l’anxiété ou un trouble anxieux se présentent rarement seuls. Il n’est donc pas rare que le papa ou la maman présente deux ou trois des problématiques déjà énoncées ou d’autres problématiques très fréquentes comme :
- La dépression
- L’insomnie
Par exemple, un parent qui présente un trouble de stress post-traumatique découlant de l’accouchement peut voir un problème d’inquiétude excessive se développer parallèlement. Cet évènement peut alors créer une réaction face à toutes les incertitudes de la vie pouvant avoir un potentiel dangereux à ses yeux. Le fait d’être constamment dans un état émotionnel d’anxiété sous-jacente et les comportements d’évitement, de réassurance ou de contrôle qui en découlent, créent de la fatigue, de l’épuisement et à la longue, engendrent un état de démoralisation et de dépression.
1. La dépression périnatale
Elle est plus fréquente qu’on pense à la fois chez les femmes que chez les hommes dans la période du devenir parent. Encore une fois, le fait d’être constamment dans un état émotionnel d’anxiété et les comportements d’évitement, de réassurance ou de contrôle qui en découlent, créent de la fatigue, de l’épuisement et engendrent un état de démoralisation.
J’ai récemment tourné une vidéo sur la dépression périnatale avec une psychologue spécialisée dans ce domaine et écrit un billet éducatif sur la dépression postnatale. Je vous invite à les consulter.
2. L’insomnie
Il n’est pas rare que la tension physique liée à l’anxiété ainsi que les pensées anxieuses (inquiétudes, obsessions, peurs) atteigne le sommeil. L’insomnie peut exister sous forme de difficultés à s’endormir, sous forme de réveils fréquents ou encore de réveils trop tôt le matin. Ces problématiques alimentent aussi l’anxiété du parent en diminuant son énergie et en le rendant plus vulnérable à ses symptômes.
Enfin, nous avons vu que l’anxiété se manifestait aussi sous formes physiques. Plusieurs manifestations physiques peuvent tirer leur origine de l’anxiété. C’est d’ailleurs ce qui amène souvent les parents à consulter leur médecin et à parler plutôt de douleurs physiques (par exemple. thoracique), de tension, de troubles du sommeil ou de difficultés de concentration ou de symptômes dépressifs. L’anxiété, si elle n’est pas explorée de façon adéquate, passe alors souvent inaperçue.
Les impacts de l’anxiété périnatale
On peut dire que les conséquences peuvent être nombreuses pour les personnes qui vivent au quotidien avec des problèmes d’anxiété.
Une première série de conséquences découle de l’ensemble des comportements qu’adopte la personne pour essayer de gérer son anxiété. Cette personne tente, tant bien que mal, à diminuer ou à empêcher que se produisent ses malaises. Ces tentatives répétées pour prévenir ses réactions se traduisent par différents impacts dans le quotidien comme :
- L’évitement (par un comportement ou par la pensée)
- La réassurance
- Les comportements sécurisants (vérification excessive, sur contrôle et sur protection)
- Autres conséquences possibles
1. L’évitement
Lorsque le parent se sent anxieux et angoissé, il peut premièrement faire deux types d’évitement : 1) soit par son comportement ou 2) par ses pensées (cognitif).
- L’évitement comportemental : c’est le plus évident. Il consiste à éviter ce qui fait peur. Nous avons vu quelques exemples, comme déléguer de plus en plus de tâches avec l’enfant, éviter des endroits par peur de se sentir mal.
- L’évitement cognitif : réfère à tout ce que le parent peut faire pour éviter de penser à ce qui le rend anxieux. Ça peut être d’essayer de penser constamment à autre chose, se répéter des choses sécurisantes pour se sentir bien.
2. La réassurance
Les comportements de réassurance visent à diminuer l’inconfort et essayer de se convaincre que ce qui est appréhendé n’arrivera pas. Ça peut être des demandes constantes de réassurance au conjoint, des visites médicales à répétitions. Souvent les parents anxieux pensent à des stratégies pour moins déranger leur entourage et faire que leurs demandes de réassurance passent inaperçues. Par exemple : demander à l’autre parent d’aller vérifier si un objet a été oublié dans la chambre de l’enfant pour vérifier indirectement s’il n’y a rien.
3. Les comportements sécurisants
Enfin, il y aussi les comportements appelés comportements sécurisants. Ceux-ci sont aussi faits en réaction à l’anxiété.
Trois sont plus fréquents chez les parents : la vérification excessive, le sur contrôle et la sur protection qu’on peut regrouper ensemble
La vérification excessive : Souvent faite pour s’assurer que tout est correct et calmer l’anxiété. Par exemple : vérifier constamment des signes de problèmes de santé pour soi ou pour l’enfant, même après avoir déjà vérifié. Passer un temps énorme à vérifier le sac pour la garderie, à plusieurs reprises. Vérifier régulièrement auprès de la gardienne.
Le surcontrôle et la surprotection : réfèrent à tous les comportements faits pour contrôler l’environnement, protéger l’enfant et diminuer son anxiété. Par exemple : laisser peu de place aux autres pour les soins du bébé. Empêcher les enfants plus vieux de faire plusieurs activités pour éviter qu’il ne leur arrive quelque chose.
Tous ces comportements sont des conséquences de l’anxiété. Ils ont des impacts importants pour la qualité de vie du parent. Ils peuvent diminuer l’anxiété à court terme, mais c’est toujours à recommencer. Ils augmentent alors la fatigue et touchent aussi à la relation avec les autres. Un papa par exemple peut se sentir exclu pour ses enfants et chaque conjoint peut se sentir seul chacun de leur côté.
Ce qui est dommage dans le sur contrôle et la sur protection c’est que souvent les conséquences appréhendées n’arrivent pas et cela renforce encore une fois la personne dans ses comportements de contrôle en pensant qu’elle a bien fait de les faire.
4. Autres conséquences possibles de l’anxiété
Une anxiété élevée et persistante pour une femme enceinte pourrait jouer sur la circulation sanguine intra-utérine et avoir un impact sur la croissance, le poids du bébé à la naissance et même sur l’accouchement prématuré.
Au niveau de l’attachement, on peut dire que l’anxiété peut aussi avoir un impact sur le développement de la relation parent-enfant et on peut dire que les retombées de l’anxiété peuvent se répercuter également sur la relation de couple et la satisfaction conjugale plus faible au final. Plusieurs parents éviteront de parler de certains sujets ou de pratiquer des activités particulières afin d’esquiver à tout prix, le déclenchement des réactions d’anxiété que ceux-ci pourraient produire chez leur partenaire.
Il faut dire également que les comportements de sur contrôle et de sur protection pourraient avoir un impact à moyen et long terme sur le développement de l’enfant lui-même au niveau moteur mais aussi social. Le fait d’empêcher le bébé de faire des choses ou de faire pour lui peut nuire à son autonomie et nourrir de l’insécurité chez ce dernier au niveau psychologique.
Les conséquences ne sont pas toujours conscientes. C’est pourquoi, il est bien de porter une attention particulière aux commentaires de ceux qui sont autour de vous, de vos proches, pour mieux comprendre ce qui se passe. Avoir plus conscience de nos réactions, de ce qui les provoque, des effets que cela a sur notre vie, et comment on peut pallier à ces ressentis dans notre quotidien, est à mon sens, un premier pas pour explorer des pistes de solutions.
On peut apprendre à apprivoiser son anxiété et mieux la gérer graduellement avec le temps et vivre avec moins de détresse au final.
Facteurs prédisposant à vivre de l’anxiété périnatale
Des facteurs personnels peuvent effectivement prédisposer au développement de l’anxiété durant la grossesse ou suite à la naissance.
- Les changements biologiques hormonaux, physiques et psychologiques
- Des événements de vie passée difficiles
- Une histoire personnelle antérieure d’anxiété ou de difficultés émotionnelles
1. Les changements biologiques hormonaux, physiques et psychologiques
Les recherches montrent des résultats contradictoires sur l’effet de certaines hormones sur l’anxiété. Elles suggèrent que certaines femmes seraient plus sensibles aux changements rapides du niveau d’hormones, ce qui les amènerait à vivre plus d’émotions négatives (une plus grande vulnérabilité psychologique).
Au plan physique, les femmes vivent une augmentation de leur rythme cardiaque. Aussi, plus l’utérus augmente, plus il appuie sur le diaphragme, ce qui amène une respiration plus courte et difficile. Les femmes sensibles à de tels symptômes peuvent les étiqueter, par erreur, comme des signaux de danger ou comme un signe que leur état émotionnel se dégrade, ce qui engendre de l’anxiété.
Au niveau psychologique, il y aurait plus d’anxiété vécue face à leur nouvelle identité, rôle social en développement vers une parentalité souvent idéalisée. Les réseaux sociaux seraient une source très importante de haut stress chez les futurs et nouveaux parents. Redéfinir leurs priorités et leurs besoins, réorganiser leur vie conjugale, ressentir la pression de devoir être heureux, ne sont que quelques éléments exprimés par les parents lors d’investigations sur le sujet, pour mieux comprendre leur vécu.
2. Certains événements de vie difficiles
Certains évènements traumatisants comme les abus sexuels, les pertes périnatales, ou les fausses-couches peuvent aussi prédisposer à l’anxiété.
3. Une histoire personnelle antérieure d’anxiété ou de difficultés émotionnelles
La plupart des études concluent que l’histoire personnelle antérieure d’anxiété ou de difficultés émotionnelles est un facteur de risque récurrent du développement de l’anxiété périnatale.
Ceci appuie l’idée que des vulnérabilités psychologiques apprises antérieurement sont activées dans cette période de vie. Ça ne veut pas nécessairement dire qu’un trouble anxieux était présent avant. Certaines vulnérabilités apprises peuvent venir teinter la façon de réagir, de penser ou encore de gérer ses émotions.
À la période périnatale, on remarque parfois des personnes qui ont une tendance excessive à considérer inacceptable toute possibilité, si minime soit-elle que quelque chose de négatif puisse se produire. Elles peuvent même avoir une attitude très négative en général face aux complications ou problèmes possibles, avec des pensées très pessimistes. En d’autres mots, certaines personnes développent au cours de leur vie, un seuil de tolérance plus faible aux incertitudes. Puisque la période périnatale est remplie d’incertitudes, de nouveauté, de changements et d’imprévus, le parent qui tolère moins les incertitudes s’inquiète davantage, peut devenir obsédé par rapport à certains sujets. Tout cela peut réactiver des vulnérabilités ou les faire sortir tout simplement face à cette période remplie de défis à surmonter. Comme par exemple, un parent qui a des exigences très élevées , très perfectionnistes pour lui-même et pour les autres qui l’entourent et qui ne peut en aucun cas se tromper ou commettre des erreurs (perfectionnisme dysfonctionnel). Il est probable que ce parent ne soit jamais satisfait de ses efforts puisqu’il a des standards trop élevés et inaccessibles pour lui et pour les autres. Par conséquent, les pensées et les comportements face à l’anxiété seront plus présents.
Si le parent regarde la vie à travers un filtre d’intolérance à l’incertitude, de perfectionnisme ou de sensibilité à l’anxiété, il réagira plus fortement aux étapes et aux stress de la période périnatale. Une fois activées, ces vulnérabilités peuvent se maintenir et devenir de plus en plus automatiques, d’où le maintien de l’anxiété.
L’anxiété périnatale chez les hommes et les femmes
On peut dire en entrée de jeu qu’il y a peu d’études qui ont comparé directement les pères et les mères face à de l’anxiété à la période périnatale. Les travaux qui existent sur ce thème se comptent davantage face au vécu des futures ou nouvelles mères. Toutefois, des recherches sont en cours afin d’explorer l’anxiété possible vécue lors du passage des hommes à leur rôle de père. Sans surprise, on peut dire jusqu’à date que les hommes expriment moins leur anxiété que les femmes ce qui peut expliquer, du moins en partie, pourquoi les taux d’anxiété sont plus élevés chez les femmes.
Les hommes peuvent vivre de l’anxiété qui peut créer de la détresse comme chez les femmes, mais ils sont moins enclins à demander et à recevoir de l’aide. On remarque une différence dans la gestion des inquiétudes et de l’anxiété entre les pères et les mères. Les pères tombent plus rapidement dans les solutions, la résolution des problèmes lorsqu’ils s’inquiètent de quelque chose comparativement aux mères. Par conséquent, les solutions trouvées sont parfois temporaires et superficielles, ce qui les apaise sur le coup mais a tendance à maintenir leur anxiété à moyen et long terme.
Ce qui est intéressant aussi est le fait que si la mère va bien au niveau physique et psychologique, que la gérance du quotidien se passe bien en couple et en famille, on peut dire que le taux d’anxiété des pères est à la baisse. C’est dire que quand la mère va bien, le père a aussi plus de chance de se porter bien.
Ressources et soutien indispensables face à l’anxiété
Le dépistage précoce est sans aucun doute un élément déterminant pour aider au mieux la personne qui vit un problème de santé mentale durant la période périnatale (SOGC, octobre 2024). Les directives en santé veulent sensibiliser les futurs et nouveaux parents sur le constat que les problèmes de santé mentale à la période périnatale vont bien au-delà de la dépression postnatale. Plus vite le diagnostic est posé, plus vite on aide la personne adéquatement, et meilleurs sont les résultats pour la famille.
Chaque personne est unique et a sa propre façon de faire face à ses vulnérabilités. Aussi, il ne faut pas négliger de prendre soin de soi pour être ensuite en mesure de donner à son enfant, à son amoureux ou amoureuse et à ses proches. À la période périnatale, chaque parent a un travail personnel à faire au départ, celui d’être le mieux possible donc, d’avoir une bonne hygiène de vie, du temps pour dormir, avoir un esprit sain dans un corps sain, tenter de réduire le stress au quotidien, faire de l’exercice, se donner du temps pour réfléchir pour reconnaître certains symptômes d’anxiété potentiels. Bien s’informer est aussi important, pour mieux comprendre ce qui s’en vient et avoir un soutien plus personnalisé au besoin.
Malheureusement, force est de constater qu’il y a un grand écart entre le savoir et l’action dans l’offre de services du réseau de la santé, pour mieux accompagner les futurs et nouveaux parents ( SOGC, octobre 2024).
Comment avoir du soutien?
- Avoir un accompagnement personnalisé pour la transition au devenir parent, par exemple, peut aider de nombreuses personnes qui appréhendent cette période spécifique.
- Recevoir de l’aide à la maison après l’arrivée du bébé, pour vous sentir entouré, aidé et soutenu par des proches que vous affectionnez plus particulièrement, pour être à l’aise et appuyer dans cette étape remplie de nouveautés.
- Écrire un journal d’observations de la journée peut aider à reconnaître les émotions désagréables et mieux comprendre leur apparition. Cela donne des indices et du pouvoir sur ce que l’on peut faire rapidement, au lieu de laisser empirer les effets à plus long terme.
- Il y a aussi des services publics dans les CIUSSS (en tenant compte des délais, avec la pénurie d’intervenants dans le domaine et le manque d’options thérapeutiques fournies dans le réseau public gratuitement), des services privés, des services communautaires, les ordres professionnels pour référer des intervenants dans votre région, et même, des équipes de recherches dans les Universités qui offrent souvent des services gratuits ou à très bons prix.
- Vous pouvez consulter un ou des professionnels (médecin, psychiatre, psychologue, travailleur social, sexologue,…) dont le but est de faire une évaluation complète, un plan d’intervention et une thérapie qui travaille les facteurs sous-jacents, pas justes sur les symptômes.
On peut penser, par exemple à une approche en psychoéducation, en psychothérapie et/ou pharmaceutique. L’approche cognitivo-comportementale, où les changements apportés améliorent d’une façon marquée la qualité de vie de ces gens, est très utilisée lors d’anxiété.
N’oubliez pas, comme nous l’avons vu dans ce billet, l’anxiété peut prendre diverses formes et être sous-jacente à plusieurs pensées et comportements difficiles à vivre, et le fait d’en prendre conscience peut vous aider à identifier ce que vous vivez et à agir en conséquence. Je pense que le fait de reconnaître son anxiété au départ est un grand pas vers le bien-être puisqu’à partir de ce constat, on peut apprendre à mieux tolérer les choses, et ce, à tout âge.
C’est très fréquent de vivre des inquiétudes, des questionnements et même de l’anxiété à cette période du devenir parent et vous n’êtes pas de moins bons parents pour cela.
Marie Fortier
La spécialiste des bébés