Il arrive à certaines femmes de vivre, durant la grossesse, un décollement prématuré du placenta ou un détachement du placenta de la paroi utérine. On compte habituellement entre 0.4 à 1.5%¹ des femmes qui feront face à cette complication lors de leur grossesse.
Cette situation engendrera beaucoup de stress. On se demande si ça ira à la fois pour le bébé et pour l’évolution de la grossesse. On se demande aussi ce que l’on a bien pu faire, pour se voir confronter à cette condition…Mais rassurez-vous, vous n’êtes pas responsable de ce qui vous arrive.
Le rôle du placenta
Le placenta est une structure très importante qui se forme dès l’implantation, au début d’une grossesse, sur l’endomètre de l’utérus.
Ce dernier se verra responsable des échanges métaboliques entre la mère et son bébé, au niveau :
- respiratoire (oxygène et gaz carbonique);
- nutritionnel;
- des excrétions (déchets, gaz carbonique, etc.);
- de l’emmagasinage (entre autres pour le fer, le calcium et les protéines).
Le placenta est aussi un organe produisant plusieurs hormones essentielles à la bonne évolution de la grossesse et de l’allaitement à venir.
Il est vrai qu’un décollement placentaire peut être une complication avec un impact très important, selon l’ampleur du décollement. Le décollement peut être partiel ou léger dans 10 à 20% des cas, moyen dans 20 à 50% et marqué (représentant plus de 50% de la structure), jusqu’à un décollement complet¹. Ce dernier explique pourquoi, dans ces circonstances, le risque d’un accouchement prématuré est plus élevé, entraînant des complications développementales chez le bébé, et parfois également des complications chez la mère.
Comment peut-on savoir qu’un placenta se décolle?
Il n’est pas évident de présenter des signes très concrets, car cela peut varier au gré de la grossesse, et d’une femme à l’autre. Toutefois, l’intensité des symptômes reste souvent en lien par rapport au degré du décollement.
Lors du premier trimestre
Si un décollement partiel ou léger survient très tôt dans la grossesse, le plus souvent, aucun symptôme particulier n’est ressenti chez la femme. Les signes peuvent rester légers, très diffus, insidieux et pourraient être difficiles à identifier. C’est pourquoi on peut en faire la découverte, de façon fortuite, lors d’échographies de routine, telle que la datation ou la clarté nucale.
Une femme présentant un décollement pourrait avoir des saignements, allant de légers à plus importants. Ceux-ci devraient l’inciter à consulter son professionnel traitant pour se rassurer au niveau de l’évolution de la grossesse et exclure le risque d’une fausse couche ou même d’un avortement spontané.
Généralement, le décollement peut rester stable, sans évolution et permettre la continuité de la grossesse de façon satisfaisante. Une échographie pourra permettre de suivre l’évolution de celui-ci en mesurant la dimension dans le but de rassurer la future maman.
Lors du deuxième et du troisième trimestre
Toutefois, dès le 2ème et le 3ième trimestre, la mère pourrait voir apparaître :
- Une douleur abdominale aiguë et persistante, d’intensité variable, allant d’une légère sensibilité à une très forte crampe au ventre.
- Des contractions peuvent apparaître et le ventre peut rester plus dur, si le décollement est plus important (décollement marqué).
- Un saignement vaginal rouge foncé peut accompagner ou non cette douleur, et la quantité du flux sanguin observé à l’extérieur est souvent secondaire à l’étendue du décollement.
- Le saignement peut être sporadique ou plus régulier, ce qui nécessite une attention soutenue afin de prévenir le risque d’hémorragie possible.
- La femme enceinte pourrait se sentir étourdie, faible.
- Une diminution ou l’absence des mouvements fœtaux.
- La présence possible de troubles de coagulation secondaires (coagulopathie).
Pour diagnostiquer un décollement placentaire, le professionnel devra se fier :
- À l’examen clinique : douleur augmentée à la palpation du ventre;
- À l’évaluation échographique lors de l’échographie de routine de 20 semaines;
- Une tension artérielle qui peut être plus basse qu’attendu (hypotension, état de choc);
- Aux symptômes exprimés de la femme enceinte.
Dans le doute, le professionnel prescrira une échographie de contrôle pour investiguer plus précisément et confirmer ou infirmer leur soupçon. Le technologue en imagerie pourrait constater à l’échographie une accumulation de sang au site du décollement (entre la paroi utérine et le reste du placenta) que l’on appelle hématome. Un hématome rétroplacentaire pourrait être comparé facilement à un gros caillot de sang.
Dans ce cas précis, un suivi d’échographies sera envisagé pour valider s’il y a évolution ou non de l’hématome, afin d’assurer le bien-être fœtal et maternel tout au long du reste de la grossesse, ou jusqu’à la résolution de celui-ci.
Pourquoi survient un décollement placentaire?
Même si la future mère demande pourquoi un décollement au niveau de son placenta est survenu, on ne pourra que spéculer sur la réelle cause, car il n’y a malheureusement pas de cause identifiée spécifique à ce phénomène. Toutefois, il y a des situations qui semblent augmenter les prédispositions :
- Un âge plus avancé lors de la grossesse
- La présence d’hypertension et de prééclampsie
- Suite à une infection précédente
- La présence d’un trouble vasculaire et/ou de coagulation
- Des antécédents de décollement placentaire
- La consommation de tabac et/ou de drogue
- Avoir reçu un coup important au ventre (suite à un accident, par exemple)
Quels sont les risques d’un décollement prématuré du placenta?
On peut vite penser que si le placenta est touché, le développement du bébé in utéro le sera aussi. Car rappelons-nous, c’est du placenta que le bébé reçoit de sa mère l’oxygène et les nutriments nécessaires. En cas de réduction de ces derniers, on pourrait constater un retard de croissance chez le bébé ou une détresse fœtale. Dans les cas les plus graves, si le décollement est soudain et très important, la vie du bébé pourrait être en danger. Une intervention d’urgence serait alors nécessaire pour sortir rapidement le bébé, généralement par césarienne.
Si le décollement s’aggrave, avec une augmentation des saignements internes de 10 à 20% ou des saignements externes de 70 à 80%¹, il est évident que la femme enceinte est également à haut risque de complications majeures.
La prise en charge d’un décollement placentaire?
La prise en charge dépend de la gravité du décollement, des symptômes associés ainsi que de l’âge du fœtus.
Pour un décollement léger, un suivi de grossesse plus rigoureux peut être proposé afin de surveiller l’évolution. Dans ces cas, il est souvent recommandé d’éviter les relations sexuelles pendant un certain temps, afin d’observer si le décollement s’aggrave ou non, et d’éviter de stimuler la zone affectée.
En fonction de la gravité, une hospitalisation en milieu hospitalier peut être nécessaire pour assurer une surveillance étroite du bien-être fœtal et de la condition de la mère. Il sera d’ailleurs plus facile de sortir le bébé dès les premiers signes de détresse fœtale.
À quoi s’attendre lors d’un décollement placentaire?
- La mère pourrait devoir être alitée, au repos complet au lit pour limiter au maximum les risques d’évolution négative du décollement.
- Des suivis plus serrés.
- Si jamais un accouchement prématuré était planifié (alors que la situation se dégraderait trop), afin d’éviter des complications respiratoires chez le bébé, de la bétaméthasone pourrait être injectée à la mère pour faire maturer les poumons de son bébé plus rapidement.
- La césarienne est parfois un meilleur choix dans cette situation, selon la condition générale du bébé et de la mère, et de l’état du décollement.
Vivre un décollement placentaire au sein du couple
Un décollement placentaire peut arriver à tout le monde. Vous n’êtes pas responsable de ce qui vous arrive!
Vivre avec cette complication de grossesse, c’est vivre avec un stress, une peur qui vous accompagne à tout moment. Les inquiétudes et l’anxiété qui peuvent s’en suivre ne sont pas toujours évidentes à vivre, mais apprendre à gérer ces ressentis est souhaitable pour votre mieux-être, et ce, de diverses manières :
- Prendre un jour à la fois, chaque jour passé est un jour de gagné dans la grossesse.
- Souligner les signes et/ou les changements positifs (par exemple, les saignements qui diminuent, l’hématome qui est stable, le bon développement du bébé, etc.).
- Réduire les autres sources de stress possibles dans le quotidien.
- Accepter de recevoir de l’aide à la maison pour vous décharger de certaines tâches.
- Poser les questions qui vous préoccupent à chaque visite médicale.
- Pratiquer des activités qui vous détendent : yoga, méditation, visualisation, lecture, etc.
Finalement, soyez rassurée qu’un décollement placentaire lors d’une grossesse précédente ne signifie pas nécessairement qu’une femme sera prédisposée à en avoir un lors de futures grossesses. Chaque grossesse est unique et plusieurs facteurs peuvent influencer le risque de complications. Il est toujours important de discuter de vos antécédents médicaux avec votre médecin pour obtenir des conseils personnalisés et adaptés à votre situation.
Rédaction de l’article : novembre 2024.
Par
Marie Fortier
La spécialiste des bébés
En collaboration avec
Julie Dumas-Baril
Technologue en imagerie
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Références :
-
¹Soins Infirmiers – Périnatalité, Deitra Leonard Lowdermilk, Shannon E. Perry, Ditty Cashion. Édition Française, Chevalière Éducation traduction 2012
- https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/promotion-sante/grossesse-sante/guide-grossesse-sante.html#a1
- Décollement placentaire (hématome rétroplacentaire), Merks manuals, par Revue/Révision complète avr. 2024
- https://naitreetgrandir.com/fr/grossesse/accouchement/grossesse-accouchement-cesarienne/