Pour lire la partie précédente de ce billet, consultez Qui est Bernadette de Gasquet?
L’accouchement à travers le temps et à travers le monde est un phénomène très pertinent à connaitre. Dr de Gasquet va très loin dans sa réflexion sur les accouchements dans l’histoire de la vie. Elle remonte jusqu’au règne animal où les mammifères à 4 pattes donnaient la vie en suivant leur instinct, leur nature. Elle précise également comment l’évolution de l’homme, passant de la position à 4 pattes en se relevant sur ses deux pieds, a modifié tout le schéma de la grossesse et de l’accouchement à travers l’enfantement.
Pas besoin de vous convaincre que le fait d’être debout a amené de grands changements au niveau des structures ligamentaires, musculaires et même structurales pour bien s’adapter à cette verticalité. Si on se concentre particulièrement sur l’aspect gynécologique, tout le monde sera d’accord avec le fait que la pression vers le bas, dans le bassin, est de beaucoup supérieure à ce qu’elle était en position 4 pattes. Le bassin a subi là un ajustement majeur, nonobstant une grossesse, juste par le fait d’être devenu bipède, ce qui n’est pas sans conséquence.
Plusieurs d’entre vous se sont peut‑être déjà intéressés à la mise au monde à travers le temps et à travers le monde. Jadis, plusieurs peuples, comme dans les sociétés tribales indiennes ou africaines, voyaient la naissance comme un sacrement, un acte naturel pour permettre la survie de l’espèce. La mise au monde se passait à la maison avec les gens autour et le savoir populaire transmit entre eux d’une génération à l’autre.
Considérant les maladies de l’époque, le manque d’hygiène, les complications rapportées, le taux de mortalité infantile et maternelle très élevé, les médecins ont pris de plus en plus de place dans le processus de la mise au monde, et ce, à l’intérieur des hôpitaux. C’est l’époque de la renaissance, l’ère moderne des accouchements débutant autour de 1900 environ. C’est à compter de 1920‑1930 que la grande majorité des femmes accouchent à l’hôpital.
Demandez à vos grand‑mères qui ont au moins 80 ans aujourd’hui si elles ont vu naître leur bébé lors de leur accouchement à l’hôpital? Plusieurs vous diront qu’elles n’ont pas vu l’arrivée de leur bébé, qu’elles étaient attachées, car elles recevaient un gaz (éther, chloroforme) ou injection (sédatif comme l’opium) qui les endormait. Ces substances provoquaient en même temps l’arrêt des contractions et le médecin sortait le bébé avec, le plus souvent, des forceps, après avoir pratiqué une épisiotomie. Ainsi, la nouvelle mère n’avait aucun souvenir de la naissance, puisqu’elle était vraiment en dehors de leur connaissance lors de l’expérience du devenir mère.
Cette pratique, inspirée de l’obstétricien Dr DeLee, voulait prévenir les complications en agissant avant qu’elles ne surviennent par des interventions médicales très précises faites de routine. Ces manœuvres soi-disant aidantes et préventives pour les accouchements rendaient les mères plus mal en point en postnatal, ce qui nécessitait de les séparer de leurs bébés pour leur récupération donc, rien pour aider l’allaitement et l’attachement.
Il a fallu attendre les années 1970 pour voir revendiquer les interventions médicales de routine et remettre en doute la pratique médicale moderne lors des accouchements.
Plusieurs fervents des naissances au naturel sont revenus à la charge en proposant d’autres approches pour ramener l’humanité au coeur du soutien apporté dans les maternités. Leboyer, Lamaze, Odent, Voldman et quelques autres sont venus apporter, au gré du temps, un regard différent afin de redonner aux femmes leur capacité, leur pouvoir face à la mise au monde de leur enfant. Diminuer les interventions non nécessaires, offrir un soutien adapté à la femme en travail et aider la gérance de la douleur par diverses méthodes de soulagement naturelles.
Dr de Gasquet est aussi l’une de ces pionnières qui lutte depuis longtemps et encore aujourd’hui, pour ramener l’humanité dans les services périnataux. Il faut laisser la nature suivre son cours en l’aidant, par une bonne respiration, une bonne position et un axe favorables du bébé dans le bassin de sa mère pour la bonne évolution du travail et de l’accouchement. Laisser les femmes bouger, s’activer et garder leur liberté de mouvement est très important pour qu’elles puissent adopter la position qui les rendent les plus confortables instinctivement. Les femmes accouchantes savent!
On peut proposer des respirations profondes, une posture, un étirement ou un massage mais il faut toujours le faire dans l’esprit que la femme est confortable avec cette idée et que ça respecte son bien‑être. Des suggestions d’accessoires pour garder une bonne position, pourquoi pas? Un coussin quelconque, un ballon, un tapis, un landeau pour se suspendre, oui à tout cela, si pratiqués correctement afin de faciliter la détente chez la future mère.
Plusieurs aspects de notre pratique actuelle sont en contradiction avec notre physiologie selon les propos de Dr de Gasquet. Elle soulève plusieurs erreurs dans ses observations et expérimentations, en voici quelques‑unes :
- La position gynécologique est sans contredit la pire position pour l’accouchement mais on continue de la pratiquer. C’est une position pour l’accoucheur et non pour la personne qui accouche. Couchée sur le dos, les genoux écartés, la tête remontée, les mains qui tirent sur des poignées, le corps plié et la respiration coupée, rien de très dynamique pour aider la descente du bébé et le confort de la mère.
- Une position gynécologique adaptée peut changer l’issu de l’accouchement selon Dr de Gasquet. Le bassin de la femme accouchante doit être légèrement plus élevé pour remonter les organes et éviter la pression sur le périnée d’une part. Mais, la position sur le côté et à 4 pattes sont aussi des options très intéressantes pour diminuer la pression sur le périnée.
- Accoucher assise à 90 degrés bloque directement la mobilité du sacrum (os en arrière du bassin) et la respiration aussi puisque le fond utérin remonte dans cette position et empêche l’expansion pulmonaire. La mère doit être assise en étant étirée vers l’avant et légèrement penchée en avant pour libérer le bassin ou bien, étirer son tronc vers l’arrière afin de favoriser l’étirement de la colonne, l’expiration et la détente du périnée. Le bébé aura ainsi plus de place pour bien s’aligner dans le bassin de sa mère (bon axe).
- C’est la femme qui sait si sa position est correcte ou pas pour l’accouchement. Il n’y a pas une position qui convient à chaque femme et à chaque bébé, il faut voir pour chacune. Le travail et l’accouchement, c’est l’apprentissage des différentes positions, et ce, à chaque étape de tout le processus de la mise au monde. Le papa peut grandement aider à ce niveau en aidant la femme à s’étirer ou à la masser, la bercer. Bercez une femme en travail et certaines positions font sécréter plus d’endorphine naturelle.
- Il faut apprendre en prénatal à surtout expirer. L’inspiration viendra ensuite automatiquement, car les poumons ne restent pas sans air très longtemps. Rien de bon à respirer en gonflant la poitrine.
- On ne devrait jamais bloquer notre respiration lors de l’accouchement mais plutôt laisser aller des sons surtout en voyelle, selon l’intensité du moment.
- On ne devrait jamais pousser son bébé à la demande mais bien, seulement lorsqu’on sent le réflexe qui nous amène à le faire. L’arrivée du bébé sur le périnée déclenche l’envie de pousser, c’est très fort et difficile à retenir.
- L’épidurale diminue la douleur chez la femme mais pas nécessairement le stress et la tension sur la musculature du périnée si la respiration et la position ne sont pas optimales. Dans la même logique, l’épidurale ne règle en rien un malpositionnement du bébé dans le bassin de sa mère
- Même si déconseillé par plusieurs praticiens, Dr de Gasquet valorise une ceinture (bandage, ceinture Physiomat, pas de gaine ni corset) pour resserrer le bassin d’une nouvelle accouchée (et même durant la grossesse pour certaines femmes qui ont des douleurs au dos), afin de faciliter le maintien du bassin et le ramener en place après l’accouchement. Le fait d’être soutenue permet de diminuer la charge dans le bassin et le plancher pelvien, incluant le périnée en station debout prolongée.
Je vous invite pour la suite au billet La physiologie de la grossesse et de l’accouchement.
Marie
La spécialiste des bébés