Mise à jour du billet le 09 décembre 2020
L’hypertension chez une femme enceinte est un phénomène très bien connu par la communauté scientifique. Elle touche entre 5 et 10 % des femmes enceintes. Pour 25 % d’entre elles, ce sont de premières grossesses. C’est la complication de grossesse la plus courante.
Comme je dis souvent lorsque je parle aux futurs parents, la grossesse et l’accouchement sont de vraies boîtes à surprise. En effet, malgré toutes les bonnes intentions et les habitudes de la future mère, il arrive parfois que ça ne se déroule pas toujours comme on l’avait pensé ou souhaité. C’est souvent le cas avec le diagnostic d’hypertension artérielle durant la grossesse. Pour votre compréhension du vocabulaire médical usuel, l’hypertension artérielle (ou HTA) lors d’une grossesse se nomme aussi haute pression durant la grossesse, hypertension gravidique ou hypertension gestationnelle. Continuez la lecture, je vous explique.
La tension artérielle c’est quoi ?
La tension artérielle d’un individu adulte en général devrait tourner autour de 120/80. Ces deux chiffres sont mesurés lors de la prise de la tension artérielle d’une personne à l’aide d’un brassard gonflable au bras et d’un stéthoscope qu’on dépose sur le vaisseau sanguin, dans le pli interne du coude pour entendre les battements cardiaques. La prise de votre tension peut aussi être faite à partir d’appareils automatiques qui détectent également ces bruits cardiaques.
La pression artérielle est la pression exercée par le flux sanguin sur les parois des artères. Le premier bruit entendu par l’intervenant lors de la prise de la tension correspond à la contraction du ventricule du cœur qui éjecte le sang dans les artères. On appelle ce premier battement ausculté « la pression systolique » (le plus grand chiffre). Le dernier chiffre audible au stéthoscope correspond au relâchement du cœur et au remplissage, « la tension diastolique » (le plus petit chiffre).
La pression artérielle normale est comprise entre 120 et 140 mm de mercure pour la systolique et 70 à 90 mm de mercure pour la diastolique.
Il y a des gens qui vivent très bien avec une pression plus basse que la moyenne de 120/80 et d’autres légèrement plus élevées par période, et ce, sans conséquence. Toutefois, selon chaque personne, l’hypertension artérielle peut se manifester à différents moments de la vie.
Définition de l’hypertension gravidique
Par définition, l’hypertension gravidique est l’une des principales complications de la grossesse. Chez une femme enceinte, on pose ce diagnostic lorsqu’on relève une tension artérielle égale ou supérieure à 140 pour le chiffre du haut et égale ou supérieure à 90 pour le chiffre du bas, et ce, même si elle est au repos.
Plusieurs interventions peuvent être mises de l’avant si la mesure de la tension artérielle s’avère trop risquée pour une personne. Mais le plan de traitement revient définitivement à l’intervenant de la santé. Il évaluera la personne individuellement en fonction de facteurs aggravants ou sécurisants pour elle. Aussi, lorsqu’on arrive avec une tension qui s’établit, par exemple, à 160/110 (ou plus pour les deux chiffres), on parlera davantage ici d’hypertension artérielle grave ou hypertension sévère.
Lorsque ces marqueurs sont élevés, votre cœur travaille plus fort et cela peut entraîner plusieurs effets secondaires, divers symptômes (syndrome) et avoir des répercussions sur d’autres organes de votre corps (rein, foie par exemple). Donc influencer la santé à la fois de la maman et du bébé lors d’une grossesse.
Classification de l’hypertension durant la grossesse
Lorsqu’on détermine la classification des différentes hypertensions durant la grossesse, on peut regarder différents marqueurs dans le sang, faire des échographies et voir des symptômes rénaux possibles comme des protéines dans les urines.
Voici les différentes classifications possibles
Hypertension artérielle préexistante (1 à 2 % des femmes enceintes) :
L’hypertension artérielle préexistante ou chronique fait référence à la femme qui avait déjà de l’hypertension avant de devenir enceinte ou qu’elle l’a développée avant sa 20e semaine de grossesse.
Hypertension gestationnelle ou gravidique (5 à 7 % des cas) :
L’hypertension gravidique apparaît plutôt après 20 semaines de grossesse et encore plus dans le dernier trimestre de la gestation. Les femmes enceintes dépistées avant la 34e semaine de grossesse ont plus de risques de cheminer vers la pré‑éclampsie.
La pré‑éclampsie :
La pré‑éclampsie est un diagnostic plus précis qui fait référence à la présence de risque chez la femme enceinte avec des symptômes de la haute tension artérielle (chronique ou gravidique) associé à des marqueurs sériques (dans le sang) venant du placenta et autres hormones spécifiques (plus il y a de résultats anormaux ou valeurs extrêmes ou aberrantes, plus le risque est grand pour la femme), à la présence possible de protéines dans ses urines, une atteinte à un organe de la femme enceinte, comme le rein ou le foie par exemple et un retard de croissance chez le fœtus. Retrouver des protéines (albumines) dans les urines de la femme enceinte témoigne que les reins sont très sollicités. Ceux-ci ne peuvent plus exercer leur rôle à pleine capacité en retenant les éléments qui devraient être résorbés normalement lors de la filtration du sang dans le rein.
Toutefois, on peut faire de la pré-éclampsie sans protéine dans les urines. Sans être un incontournable, on remarque très souvent aussi, lors d’un diagnostic de pré‑éclampsie, une enflure (œdème) plus marquée aux extrémités de la femme enceinte et à son visage.
On teste la présence de protéines ou de sucre dans les urines de la femme enceinte grâce à une bandelette réactive (labstix) que l’on immerge dans un échantillon d’urine de la future mère. On identifie s’il y a présence ou non de protéine et de sucre dans son urine. Dans la plupart des suivis de grossesse, on peut lire « trace » seulement, qui reste sans conséquence. On peut également lire +1 ou +2 et parfois plus, ce qui nous amène à investiguer davantage à ce niveau et à suivre de près la situation.
Les symptômes
La pré‑éclampsie, aussi appelée toxémie gravidique, est la situation que l’on veut prévenir le plus possible lorsqu’on dépiste de l’hypertension chez la femme enceinte. La pré-éclampsie précoce se situe avant 35 semaines de grossesse, et plus tardivement après 37 semaines. Les symptômes sont plus importants, ils arrivent souvent dans le 3e trimestre et les risques de complications pour la mère et le bébé sont aussi plus élevés. Environ 26 % des femmes enceintes qui ont des symptômes d’hypertension auront un diagnostic de pré-éclampsie. C’est pourquoi une femme enceinte qui présente une pré‑éclampsie sera suivie durant la grossesse par une équipe spécialisée attitrée aux grossesses à risques élevés. Cette équipe se compose souvent de gynécologues‑obstétriciens, d’internistes en médecine obstétricale, d’infirmières, d’échographistes, etc.
Différents tests sanguins seront faits par intervalles pour mesurer les marqueurs spécifiques pouvant être prédictifs. Par exemple voir la tension artérielle moyenne, faire un doppler des artères utérines pour évaluer la circulation sanguine dans ces vaisseaux et faire des échographies pour évaluer la croissance du bébé pourront être effectuées périodiquement pour suivre l’évolution des indices d’aggravation de la situation. Des maux de tête importants, des changements dans votre vision doivent être mentionnés à votre intervenant de la santé lors de votre suivi. Plus on identifie les marqueurs sériques spécifiques tôt dans la grossesse, plus on est en mesure de prévenir la détérioration et les complications qui pourraient s’en suivre.
Les autres classifications de l’hypertension possibles :
À l’occasion, il arrive qu’on note une tension plus élevée à un rendez‑vous de suivi, puis que tout rentre dans l’ordre lors d’un contrôle de surveillance. On dit souvent une » hypertension situationnelle » qui est » une fausse » hypertension reliée à une situation très pointue comme: un retard, une émotion particulière, voir le médecin avec son sarrau blanc, un stress passager sans plus. On pourra alors dire que l’hypertension gravidique était transitoire seulement. Pour les prises de tensions artérielles à la maison, s’il y a lieu, s’assurez que la femme enceinte prenne un brassard adéquat et que sa technique de prise soit adéquate.
La cause (étiologie) de l’hypertension gravidique
La cause de l’hypertension gravidique et de la pré‑éclampsie est inconnue même si certains facteurs peuvent les prédisposer. Toutefois, au niveau physiologique, on remarque que la femme enceinte souffrant du trouble de la pré‑éclampsie a souvent une perturbation circulatoire sanguine au niveau de son placenta, ce qui amène un trouble de fonctionnement plus généralisé et des symptômes se rapportant à la pré‑éclampsie. Certains troubles rénaux ou la présence d’un diabète n’aident en rien la situation.
Les signes et les symptômes de l’hypertension gravidique durant la grossesse
Les signes et les symptômes de l’hypertension gravidique durant la grossesse sont multiples. Outre la présence d’une tension artérielle égale ou supérieure à 140/90 à plus de 20 semaines de grossesse, les autres signes et symptômes potentiels à surveiller pour l’hypertension gravidique peuvent avoir une forme et une intensité variables d’une femme à l’autre dans l’évolution de la situation vers la pré‑éclampsie. N’oubliez pas que les signes énumérés ici ne sont pas limitatifs et n’ont pas à se cumuler pour établir le diagnostic de pré‑éclampsie (légère ou sévère). La pré-éclampsie peut être » précoce » soit, avant 34 semaines de grossesse dans 0.4% des cas, ou » intermédiaire » c’est-à-dire, entre 34 et 37 semaines à 0.8% et aussi la pré-éclampsie tardive soit après 37 semaine à 1.6%.
Voici quelques symptômes possibles :
- maux de tête (céphalée) très fréquents;
- nausée intense avec ou sans vomissement;
- difficultés à respirer (dyspnée);
- bourdonnement d’oreille (appelé aussi acouphène);
- rots fréquents (réflexe ostéo‑tendineux);
- tremblements, irritabilité;
- moins de débit urinaire, enflure et protéines dans les urines;
- trouble de la vue (voir une tache lumineuse dans votre champ visuel, étoiles brillantes, aussi appelé phosphène).
Plus tard et si cela évolue vers la pré‑éclampsie plus sévère :
- vertiges;
- peut avoir saignement et/ou pétéchies (veines éclatées donnant des points rouges sur la peau);
- douleurs épigastriques (douleur à l’estomac, sous les seins, souvent décrite par les mamans sous forme de « barre ») ou douleur au quadran supérieur droit de l’abdomen (sous la cage thoracique à droite) peut témoigner de l’atteinte du foie;
- l’ajout de symptômes divers peut faire évoluer la pré‑éclampsie vers sa forme la plus grave appelée le « HELLP syndrome » avec atteinte de différentes fonctions et organes de la femme enceinte : rein, foie, sang, etc.
Quelles femmes sont plus à risque d’hypertension gravidique?
- celle qui a déjà fait de l’hypertension dans ses antécédents médicaux ou dans sa famille (histoire familiale);
- celle qui est enceinte pour la première fois (primipare)
- celle qui a déjà fait de l’hypertension ou pré‑éclampsie à une grossesse antérieure;
- celle qui a des antécédents d’hypertension dans sa famille (mère, sœur);
- celle qui attend des jumeaux;
- celle qui est âgée de 40 ans et plus (et/ou un écart de 10 ans entre 2 grossesses);
- celle qui ont un indice de masse corporelle à plus de 35, donc de l’obésité avant la grossesse;
- celle qui souffre déjà d’un problème de santé chronique comme le diabète, un problème vasculaire ou rénal.
De nos jours, la médecine peut
Que faire pour prévenir l’hypertension gravidique?
- ne pas prendre d’alcool;
- éviter de fumer (la nicotine peut accroître la haute tension);
- avoir une alimentation saine (pas d’évidence que la diminution du sel change quelque chose);
- faire de l’exercice;
- prendre les multivitamines contenant de l’acide folique (idéalement en préconception);
- avoir un poids santé au début de la grossesse et prendre du poids normalement durant la grossesse.
Les signes et les symptômes de l’hypertension gravidique durant la grossesse sont nombreux. Il importe de bien déceler les signes qui la désigne.
Les traitements de l’hypertension gravidique
Les traitements de l’hypertension gravidique dépendent de plusieurs facteurs. Si on s’en tient à la hausse de pression qui ne décompense pas en pré‑éclampsie, le traitement ou les interventions seront faits pour stabiliser le plus possible la tension de la femme enceinte.
- suivre le poids;
- diminuer les activités ou mettre la maman au repos à son domicile. Dans des situations plus graves, on peut aliter la mère à l’hôpital pour mieux la surveiller avec son bébé;
- diminuer les sources de stress;
- médication par la bouche au besoin seulement selon l’évaluation médicale personnalisée de la femme enceinte (aspirine, calcium, magnésium, béthaméthasone etc.).
La prise de tension
La prise de la tension doit être faite de façon optimale pour s’assurer d’avoir les données les plus justes possible avant d’initier un traitement.
- Avoir un brassard à pression adapté au bras de la femme enceinte (de bonne taille),
- Ne jamais prendre la pression par-dessus un vêtement, le capteur doit être directement sur la peau de la personne,
- Toujours prendre le bras où la tension semble la plus élevée (la pression peut varier d’un bras à l’autre pour une même personne),
- prendre la tension à l’oreille est toujours mieux qu’à un appareil automatique en pharmacie,
- prendre la tension en position assise, idéalement après 10 minutes de repos, les pieds au sol, ne pas avoir les jambes croisées et arrêter de parler.
Lors d’une hypertension gravidique, au besoin, l’accouchement sera envisagé par provocation (induction) autour de 37 semaines, afin de prévenir les complications qui pourraient survenir davantage avec les dernières semaines de grossesse.
Si l’hypertension était préexistante, vous pouvez plutôt vous attendre à accoucher autour de 38‑39 semaines. Si des complications majeures se présentaient durant la grossesse, comme une pré‑éclampsie sévère, l’accouchement serait prévu plus tôt, vers 35 semaines et même avant au besoin si état indésirable. Dans certaines conditions, la césarienne est indiquée pour diminuer l’impact des complications chez le bébé et la mère. Plus l’hypertension est arrivée tard durant la grossesse, moins il y a de récidive lorsque la femme redevient enceinte. Toutefois, dans le cas contraire, on dit que le risque est de une sur cinq.
Les risques pour la mère et son bébé
Pour la mère, l’hypertension persistante et aggravante peut évoluer vers la pré‑éclampsie légère et sévère, le HELLP syndrome. Sans contredit, cela nécessitera une urgence d’intervention pour la vie de la mère et du bébé, avec ou sans prématurité.
Le taux de complications et la sévérité des répercussions chez la mère et son enfant sont en ligne directe avec la gravité de la pré‑éclampsie comme un HELLP ou un décollement placentaire par exemple. Des problèmes vasculaires, pulmonaires et troubles de coagulations sanguines sont aussi possibles.
Pour les bébés, si la mère souffre d’hypertension gravidique, ils peuvent être plus petits à la naissance (retard de croissance in-utéro) et naître plus souvent de façon prématurée.
Après l’accouchement, qu’arrive‑t‑il avec ma pression artérielle?
Après l’accouchement et la sortie du placenta, la tension artérielle devrait se stabiliser assez rapidement. Habituellement, on peut compter jusqu’à 8 semaines pour voir la tension artérielle revenir à des valeurs considérées plus normales. C’est pourquoi un suivi postnatal est toujours assuré pour suivre l’évolution du rétablissement de la mère au niveau de ses paramètres de pression.
Pour une femme qui a fait de la pré-éclampsie de façon précoce à sa grossesse, et qui a d’autres facteurs considérés de moyens à haut risque qui s’ajoutent à son histoire à une prochaine grossesse comme l’hypertension, le diabète, troubles rénaux, grossesse multiple, âge maternel de 40 ans et plus, obésité, il ne faut pas se surprendre que le médecin vous propose de vous traiter dès le deuxième trimestre (avant 16 semaines) avec de l’aspirine en prévention de complications potentielles. Ne vous inquiétez pas, avec un dosage thérapeutique, il n’y a pas plus de saignements ni d’effets indésirables significatifs avec l’emploi de l’aspirine dans des contextes de grossesse à risque.
J’aime aussi à préciser que rien n’empêche une maman qui a fait de l’hypertension gravidique ou de la pré‑éclampsie d’allaiter son bébé.
Pour conclure ce billet, il est clair que personne ne souhaite vivre une complication de grossesse comme l’hypertension gravidique. Ce texte pourra néanmoins vous aider à mieux observer et à reconnaître de façon précoce les signes inquiétants potentiellement en lien avec l’hypertension gravidique. Vous pourrez ensuite les divulguer à votre intervenant de la santé. Mon but n’est aucunement de vous faire peur, bien au contraire, mais de mieux vous informer pour mieux prévenir les situations dramatiques.
Marie Fortier
La spécialiste des bébés
Mise à jour : Mars 2025.