Vivre une grossesse et accueillir un bébé est souvent un rêve pour beaucoup. On s’imagine que tout se passera bien, que la grossesse sera facile et que le bébé naîtra en bonne santé. Cependant, la réalité peut être différente : problèmes d’infertilité, fausse couche ou diagnostics de santé avant la naissance (nous vous invitons à lire le billet Avoir un enfant différent). Cela rappelle que nous ne contrôlons pas tout et que la vie peut prendre des tournures imprévues.
La perte est vécue de manière très différente d’une personne à l’autre, mais le vide est ressenti par tous.
Il n’existe pas de terme officiel pour désigner une personne qui a perdu un enfant. Devient-on parent sans enfant, parent endeuillé ou parent orphelin ? La réponse reste incertaine.
Définitions
Au niveau scientifique, lorsqu’on parle de deuil périnatal cela peut toucher différentes périodes de cet espace temps. Selon la Société canadienne de pédiatrie, on dit que:
Une fausse couche: c’est la perte du bébé durant la grossesse à moins de 20 semaines.
Une mortinaissance: fait référence à une mortalité de la 20ème semaine de grossesse jusqu’à sa naissance.
Un décès néonatal: fait référence au décès d’un bébé dans les 28 jours qui suivent sa naissance.
Au niveau statistique, au Canada, c’est plus de 3100 parents qui ont fait face à la mortinaissance sur les 376 291 naissances vivantes de 2017.
Particularités du deuil périnatal
Selon plusieurs auteurs plus spécialisés en soins palliatifs pédiatriques, pour plusieurs personnes, le deuil périnatal les prive de devenir parents. Même s’ils n’y sont pour rien, les couples se sentent néanmoins coupables par rapport à leur incapacité à enfanter.
Perdre un bébé avant sa naissance, c’est faire le deuil d’un avenir plutôt que d’un passé. Sans moments partagés ni souvenirs, il est difficile de trouver des récits ou des événements positifs pour apaiser la douleur. Selon les croyances et les influences culturelles, la perte d’un enfant peut avoir diverses significations.
Lorsqu’un bébé vient au monde décédé ou ne vit que très peu de temps après l’accouchement, il est difficile pour les parents de partager leur douleur. Socialement, le bébé attendu n’est plus et reste un inconnu pour l’entourage. Cela rend plus difficile pour le réseau de soutien d’apporter sympathie, empathie et réconfort aux parents endeuillés.
Le deuil périnatal dans le monde
À travers le monde, la signification que peut prendre la perte d’un bébé durant la grossesse ou très rapidement après sa naissance reste multiple.
En Asie par exemple, la femme est responsable du décès de son enfant pour diverses raisons évoquées. Comme le fait qu’elle ait mangé quelque chose de néfaste, ou bien, qu’elle ait pris une douche qui aurait provoqué l’accouchement ou encore, qu’elle soit sortie un soir. Considérant ces exemples typiques, dans le même sens, vous comprendrez qu’il y a très peu de compassion pour la mère endeuillée et celle-ci se retrouve devant un isolement majeur. Souvent ces femmes trouveront un peu de réconfort à travers leur religion, leurs prières et en pensant que la perte de leur enfant était la volonté divine et qu’un autre enfant à venir comblera ce vide.
En Inde, on constate que la valeur et l’identité d’une femme sont déterminées par la fertilité. Plus tu as d’enfants, mieux c’est. Le perdre, c’est un déshonneur. C’est pourquoi, il y a beaucoup de pression sociale à avoir un bébé rapidement et surtout, un garçon.
Au Japon, selon leurs croyances, le nouveau-né ne fait pas partie du monde des humains à la naissance. Naturellement, on croit que l’enfant est accroché au monde des esprits, des dieux et ce, jusqu’à l’âge de 7 ans. Vivre le deuil d’un bébé durant la grossesse ou peu de temps après sa naissance n’est donc pas vécu comme le deuil d’un adulte car en principe, il ne faisait pas encore partie à part entière de la famille. Les couples vivront la perte de leur bébé selon leurs traditions et pratiques dans la famille qui les entoure. On observe souvent dans la maison des parents endeuillés, un espace avec un petit hôtel bouddhiste où la mère ira à la rencontre spirituelle de son bébé en lui parlant.
Au Pakistan, la mère sera blâmée, discriminée et exclue de la communauté. Elle pourrait aussi être maltraitée par son mari et les autres femmes de la famille. À Taiwan, c’est la mère qui est la responsable du décès de son bébé. En Somalie, la mort d’un enfant est un plan de Dieu et la mort fait partie du cycle de la vie.
Deuil périnatal : Le après
Il y a un impact certain pour le couple qui retourne à la maison après avoir vécu la perte de leur bébé. Certaines réactions viendront plus rapidement que d’autres mais les étapes du deuil se feront au rythme de la personne et selon ses habiletés acquises jusque-là.
Au niveau de la littérature, il va de soi que le vécu des mères endeuillées est plus documenté que celui des pères. On remarque des effets plus à court terme et d’autres qui prennent plus de temps à se manifester.
Les effets de la perte d’un enfant chez l’homme, la femme, le couple, la famille et et l’entourage
On sait qu’un homme et une femme expriment leurs émotions de façon très différente.
La grossesse se vit aussi différemment dans le couple. Le fait de porter le bébé, fait une différence dans le processus d’attachement d’une mère à son bébé contrairement au futur père qui vit souvent la grossesse davantage dans sa tête. Ce phénomène à la base fait en sorte que lorsqu’il y a perte de l’enfant, la femme aura tendance à réagir plus intensément, plus vivement que l’homme.
Chez la femme
Chez la femme, on observe davantage le sentiment d’échec, de honte, de culpabilité de ne pas avoir été capable de mener sa grossesse à terme ou de n’avoir pas été en mesure de mettre au monde un bébé en santé ou viable. La peur de décevoir est franche et très présente par rapport à son amoureux et à l’entourage qui attendait ce bébé.
La perte sera vécue comme viscérale, comme une partie d’elle-même et elle se demandera si oui ou non, elle finira par pouvoir avoir le bébé souhaité, surtout si c’était son premier enfant. Les femmes ont plus tendance à parler du bébé, elles expriment davantage leur tristesse. Elles ont besoin d’être écoutées, soutenues et sentir la sollicitude et la compassion des gens qui les entourent.
À court terme, on peut s’attendre à ce que la mère soit rapidement sous le choc et même, paralysée par les évènements récents. Elle ressent souvent de la peur et veut fuir, se sauver pour diminuer son haut niveau d’inconfort.
Imaginez, elle devra avec son conjoint, retourner à la maison où ils retrouveront la chambre du bébé vide. Elle sera confrontée à la dure réalité de remonter de son accouchement sans avoir pour autant, sa récompense, son cadeau tant attendu, son bébé. Elle aura les seins engorgés, elle aura peut-être des plaies à guérir, un système à rééquilibrer et plus encore. À plus long terme, on pourrait remarquer des signes d’anxiété et de dépression se développer.
Chez l’homme
Chez l’homme, la perte vécue prend souvent la forme de tristesse. Il peut se sentir seul dans sa peine puisque, comme on voit souvent, l’homme peut se retenir pour éviter d’amplifier la souffrance évidente de sa conjointe. Il voudra la réconforter le plus possible et retrouver rapidement sa vie de tous les jours. Il vivra plus ses émotions dans le privé ou certains préfèreront réprimer leurs émotions au lieu de les vivre. L’image de l’homme fort et protecteur lui fait faux bond et l’impuissance le gagne.
Plusieurs pères endeuillés trouveront refuge dans leur travail, dans le sport et parfois même, dans l’alcool ou les drogues.
Chez le couple
Pour le couple, qui vit la perte, on peut remarquer divers symptômes apparaître au fur et à mesure du temps. Tous deux, tentent de donner un sens à la perte de leur bébé. La culpabilité, l’anxiété du maintenant mais aussi, du devenir, de demain face à leur désir d’enfanter.
Sans conteste, perdre un bébé pour un couple est une épreuve marquante à traverser. Dépendamment du lien préexistant entre l’homme et la femme, leur deuil à vivre aura comme impact, soit de les rapprocher ou bien de les éloigner. Malheureusement, on remarque une augmentation des séparations et divorces dans pareilles circonstances. Vivre le deuil de façon personnelle à un rythme unique rend souvent difficiles la compréhension et la communication dans le couple face à leur souffrance respective. Pas facile de se retrouver! La perte prend beaucoup de place!
Les parents passeront à leur rythme, les réactions émotionnelles qui constituent les cinq phases du deuil:
- Le choc
- La révolte
- La désorganisation
- Le désespoir
- L’adaptation
Même au niveau de l’intimité sexuelle, le couple peut faire face à la difficulté de ressentir du désir et/ou du plaisir quand leur cœur est si triste. La pensée de redevenir enceinte peut-être aussi un enjeu plus profond, enfoui puisque cela les met en face de l’éventualité de perdre à nouveau un bébé. C’est pourquoi, la décision d’enfanter à nouveau dépend de chaque couple ou famille. Les parents doivent choisir, pour EUX, le bon moment pour se plonger à nouveau dans l’inconnu. Ils vivront probablement dès lors, un niveau de stress et d’anxiété plus élevé et auront, par le fait même, besoin davantage de soutien et de rassurance venant de leur entourage et du réseau de la santé.
Chez les enfants
Pour les autres enfants de la famille s’il y a lieu, cela dépend de l’âge des enfants et de leur niveau de compréhension de ce qu’est la mort. Souvent les autres enfants de la maisonnée sont plus inquiets de voir leur parent triste que la perte du bébé lui-même. Voyant leur mère et leur père vivre une grande souffrance et être moins disponibles pour eux, certains enfants se sentiront abandonnés et se sentiront anxieux de perdre leurs parents possiblement, comme le fait d’avoir perdu son bébé frère ou sœur.
Chez l’entourage
Pour l’entourage, souvent les parents disent sentir une forte pression sociale de la part de leur entourage pour “ oublier au plus vite “ ce vécu et faire un autre bébé rapidement pour combler le vide laissé.
L’entourage est souvent très mal à l’aise de parler du bébé parti, mort, décédé et aura tendance à changer de sujet rapidement, à être moins à l’écoute et à étouffer rapidement l’expression de chagrin, de tristesse et de douleur psychologique qui les rend inconfortables.
Comment aider les parents et la famille à faire leur deuil?
Dès la mise au monde, les parents sont accompagnés par le personnel de la maternité. Les intervenants aideront le couple à exprimer leur peine et vivre leurs émotions. Aussi, on invitera le couple à créer un lien plus intime avec leur enfant, même décédé, à créer l’identité de leur bébé de diverses façons comme:
- les aider à approcher leur bébé (surtout si malformation),
- tenir leur bébé dans leurs bras,
- regarder tout le corps du bébé (nu, habillé ou avec une couverture),
- prendre des photos (se rappeler, créer une histoire, le partage d’un instant),
- donner un nom au bébé,
- l’habiller avec des vêtements pour lui,
- lui parler,
- le laver,
- prendre l’empreinte de son pied et sa main,
- garder une mèche de cheveux,
- le présenter aux membres proches de la famille et la fratrie,
- voir avec eux les dispositions funéraires selon leurs croyances et leur culture,
- donner les informations sur les groupes d’entraide,
- suivi prévu avec le médecin traitant,
- voir à donner des informations sur la façon de diminuer l’engorgement de lait chez la mère ou parler des dons de lait maternel.
Il y aurait encore beaucoup à dire, à réfléchir sur le sujet relaté ici dans un court résumé. Le vécu d’un deuil périnatal est bien au-delà de ce qui est écrit ici puisqu’il est vécu de l’intérieur, dans les tripes, dans les entrailles et ça, c’est difficile à mettre en mots, à décrire réalistement dans toutes ses subtilités. N’empêche que nous souhaitons, à travers ces écrits, que vous trouviez un apaisement, une réponse ou une idée pour prendre soin de vous, vous pardonnez ou pour les autres autour, savoir comment mieux soutenir ceux qui vivront cette dure réalité.
Pour compléter vos connaissances sur le sujet, lisez ces billets :
Visionnez ces vidéos :
Marie Fortier
La spécialiste des bébés