Aujourd’hui, j’ai décidé de m’attaquer à un sujet souvent tabou soit, les infections vaginales fréquentes chez les femmes adultes, mais plus spécifiquement durant la grossesse et suite à l’accouchement. Il va s’en dire que la grande majorité des informations documentées et consignées dans ce billet pourraient très bien servir à votre mère, votre amie, votre voisine, et ce, à n’importe quel âge.
Combien d’entre vous avez déjà ressenti des symptômes de démangeaison ou de brûlure à la vulve avec ou sans pertes vaginales un peu bizarres?
Vous ne serez pas seule à répondre OUI à cette question, bien au contraire. Plusieurs femmes enceintes et nouvelles mamans n’y échapperont pas. Pourtant, plusieurs hésitent encore à nous parler de leurs symptômes désagréables par pudeur. Probablement parce que cela touche directement les parties intimes avec une connotation au niveau de la sexualité.
Les infections vaginales fréquentes
On peut identifier 2 infections vaginales très fréquentes chez les femmes adultes enceintes ou les nouvelles mamans, soit: la candidose vulvo-vaginale, appelée communément une vaginite et, la vaginose bactérienne.
Selon les lignes directrices en santé lors d’un suivi de grossesse, le dépistage de ces deux infections possibles n’est pas pratiqué de routine, comme on le fait pour le dépistage des maladies transmissibles sexuellement. Lorsque la femme enceinte présente des symptômes d’une vaginite ou vaginose de façon évidente, pas besoin de culture pour la traiter.
Seriez-vous capable de faire la différence entre une vaginite et une vaginose?
Et bien, je vais vous aider à y voir plus clair, pour éviter de les confondre avec la présence normale de sécrétions vaginales physiologiques, souvent plus abondantes lors d’une grossesse.
Pourquoi une femme enceinte ou nouvelle maman est plus à risque de développer une infection vaginale?
Il faut savoir, à la base, que les changements hormonaux durant une grossesse amènent une variation du pH vaginal. Le pH correspond au degré d’acidité ou d’alcalinité dans un milieu. Au niveau vaginal, on constate en temps normal un pH plus acide pour empêcher les micro-organismes de s’y infiltrer et de s’y développer. On peut donc dire que le milieu acide est en soi, une protection physiologique des plus naturelles pour le bon maintien de l’écosystème vaginal d’une femme en santé. Toutefois, lors de changements hormonaux normaux, comme lors d’un cycle menstruel, d’une grossesse, de la période postnatale, lors d’infections et à la ménopause, l’on remarque une baisse significative de la flore « Lactobacilles » au niveau des voies génitales.
Les Lactobacilles sont des probiotiques naturels. Ils sont de bonnes bactéries qui habitent naturellement la muqueuse de la bouche, du tube digestif et de l’appareil génital féminin. Ces probiotiques font office de défenses naturelles de l’organisme face à des contaminants potentiels provenant de l’extérieur. Toutefois, lorsque le pH vaginal est débalancé et devient plus sucré qu’acide en raison de la présence de « glycogène » (un sucre), la femme est alors plus sujette à souffrir d’infections vaginales, comme la vaginite ou vaginose et ce, même à répétition.
Le bébé peut-il être contaminé durant la grossesse?
Durant la grossesse, nous savons maintenant que le placenta, le liquide amniotique et le méconium ne sont pas stériles dans l’utérus. Le bébé sera mis en contact avec quelques bactéries dès son passage dans l’utérus de sa mère. Les bactéries proviendront du placenta, mais aussi via le liquide amniotique qu’il avale durant la gestation. Ces bactéries se retrouveront par la suite dans son intestin, dans son méconium et ses selles par la suite.
Il n’y a pas d’évidence actuellement de contamination possible pour le bébé lors d’une vaginite ou d’une vaginose durant la grossesse. On sait scientifiquement que plus la femme possède un microbiote intestinal et uro-génital sain et en santé, plus elle en fait bénéficier son bébé à son tour. Dans les circonstances d’une vaginite ou vaginose, on sait que dès que la poche amniotique sera rupturée, le bébé pourra être en contact direct avec les levures et/ou bactéries présentes dans le vagin de sa mère.
Au besoin, on le traitera, s’il développe quelque temps plus tard du muguet (avec un antifongique) ou une infection bactérienne (avec un antibiotique).
La vaginite (candidose vulvo-vaginale = CVV)
La vaginite affecte bon nombre de femmes à un moment ou un autre de la vie. Elle est caractérisée par une infection vaginale provenant d’une contamination à base de levures ou de champignons. C’est entre 80 à 92%¹ des cas rencontrés de vaginite qui sont porteurs du champignon «Candida albicans» qui est bien connu dans notre environnement.
Au niveau statistique, voici quelques données provenant de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) pour vous dresser un bref portrait:
- 75% des femmes en général sont affectées, à au moins une reprise dans leur vie, de vaginite et 5 à 10% d’entre elles en présenteront plus d’une fois;
- Les femmes dans la mi-vingtaine sont le plus touchées;
- On parle de vaginite récurrente si elle se présente au moins 3 fois et plus par an;
- 25% des femmes enceintes seront porteuses de levures (champignons) durant leur grossesse et de façon chronique, sans même le savoir et sans aucun symptôme.
Ce qui prédispose à la vaginite:
Les facteurs les plus concluants :
- Un diabète, une maladie auto-immune et/ou la prise d’immunosuppresseurs, qui peut avoir une incidence sur la flore vaginale;
- La prise d’antibiotiques;
- La génétique (présence de protéines de surface particulières):
- Les hormones (incluant la grossesse où l’œstrogène est la plus élevée de toute la vie d’une femme).
Les facteurs moins concluants, mais néanmoins regardés :
- Une femme active sexuellement;
- Une contraception combinée (sans lien avec le stérilet)
- L’utilisation d’un dispositif vaginal (ex: diaphragme)
Pour diagnostiquer une vaginite:
Pour identifier une infection à levures, on peut faire un prélèvement de la paroi vaginale avec un coton-tige afin de recueillir des sécrétions vaginales en échantillon pour fin d’analyse.
À la période postnatale, il est aussi approprié de surveiller une possible infection à levures. Le déséquilibre hormonal est encore présent quelques semaines suivant l’accouchement. Aussi, la prise d’antibiotiques durant le travail ou après la naissance n’est pas étrangère non plus à la survenue d’une vaginite chez la nouvelle maman.
Symptômes: (20% des femmes sont asymptomatiques)
- Des pertes vaginales épaisses, blanches à jaunâtres, en grains, en mottes ou granuleuses,
- Une sensation de picotement ou de démangeaison, modérée à importante,
- Une rougeur et/ou une enflure à la vulve et à la muqueuse vaginale,
- Une douleur en urinant,
- Une douleur augmentée lors de relations sexuelles.
Traitements:
Il est difficile d’éliminer complètement l’infection à levure pendant la grossesse puisque les hormones fluctuent durant toute la gestation, mais l’objectif poursuivi demeure de soulager le plus possible la femme enceinte de ses symptômes désagréables.
Les recommandations de la SOGC (Société des obstétriciens et gynécologues du Canada) suggèrent de traiter la vaginite durant la grossesse et en postnatal s’il y a des symptômes seulement avec un antifongique. Un professionnel de la santé peut vous recommander de la crème en externe, ainsi que les ovules intravaginaux pendant au moins 7 jours comme traitement sans prescription médicale, et ce, en toute sécurité pour la femme enceinte et la nouvelle maman qui allaite. Le traitement d’antifongique en 3 doses est aussi possible durant la grossesse et certaines femmes auront une recommandation médicale de maintenance, avec un traitement sur une plus longue durée, relié à leur historique médical.
C’est 80% des femmes enceintes traitées qui verront une amélioration marquée de leurs symptômes.
Prévention :
- Éviter une humidité prolongée dans la culotte, en la changeant souvent, au besoin;
- Privilégier les sous-vêtements en coton ou en fibres naturelles (la viscose de bambou n’est pas une fibre naturelle);
- S’il y a utilisation d’un protège-dessous ou de serviettes hygiéniques : les changer souvent (et au besoin, changer de marque si vous observez des signes d’infections, qui pourraient résulter d’une réaction chimique des composantes de la protection avec les pertes vaginales);
- Ajouter le jus de canneberge à votre alimentation;
- Éviter l’utilisation de lubrifiant durant une période, afin de confirmer qu’ils ne sont pas la cause.
La vaginose bactérienne (VB)
La vaginose est une infection vaginale produite par la contamination de bactéries et peut présenter plus de conséquences durant une grossesse. C’est la deuxième cause d’infections vaginales, après le champignon de souche candida albican.
C’est 10 à 30% des femmes enceintes qui seront touchées par une vaginose, comparativement à 10% des femmes en général. C’est aussi par prélèvement vaginal des sécrétions que l’on pourra diagnostiquer cette infection bactérienne. Le pH vaginal sera plus alcalin lors de la vaginose (supérieur à 4,5), mais c’est souvent l’odeur qui aidera à poser le diagnostic, sans nécessité de faire d’autres démarches pour envisager un traitement.
Au besoin seulement, un prélèvement vaginal des sécrétions (frottis) pourra aussi être fait.
Les risques de la vaginose durant la grossesse et en période postnatale:
La vaginose bactérienne peut être responsable durant la grossesse :
- D’une rupture prématurée des membranes,
- d’un travail et accouchement préterme,
- d’une infection dans le liquide amniotique,
- et aussi, en postnatal, d’une infection de l’utérus (endométrite) après une césarienne plus particulièrement.
On peut donc dire qu’une vaginose bactérienne n’est pas banale. Elle peut avoir beaucoup d’impact sur la santé des femmes enceintes, des nouvelles mères et de leur bébé. C’est pourquoi, il est important de reconnaître les symptômes et de les transmettre à votre médecin, afin d’être traité au besoin et au bon moment pour éviter les répercussions potentielles sur l’issu de la grossesse ou les infections possibles en postnatal.
Ce qui prédispose à la vaginose bactérienne:
La flore vaginale étant très sensible, plusieurs facteurs peuvent avoir un impact sur le débalancement des micro-organismes et causer une vaginose bactérienne, dont :
- Une femme active sexuellement;
- Une co-infection avec une ITSS;
- Le débalancement du pH vaginal;
- L’usage de tabac;
- Une diète riche en gras et pauvre en folate, calcium et vitamine E;
Sachez que la vaginose n’a pas de lien avec le diabète, la génétique, certaines maladies auto-immunes ou la prise d’immunosuppresseurs, comme c’est le cas pour les vaginites.
Les symptômes: ( 50% sont asymptomatiques)
- Des pertes vaginales abondantes, adhérentes, fines, blanches ou grises,
- Une odeur de poisson,
- Pas ou très peu de démangeaisons.
Traitement:
Actuellement, le traitement de la vaginose bactérienne est seulement indiqué pour les femmes symptomatiques, avec une antibiothérapie appropriée. En complément au traitement, on pourrait également proposer la prise de probiotiques pour aider la défense naturelle de l’intestin, grâce au lactobacillus.
En résumé, nous savons que:
- Les infections vaginales sont plus susceptibles de se produire lorsque le pH vaginal des femmes est débalancé.
- La variation du milieu vaginal de la femme altère la défense naturelle en diminuant les bonnes bactéries au niveau uro-génital, comme les «Lactobacilles» (probiotiques) qui contribuent à prévenir des infections potentielles à la période périnatale, dont la vaginose, plus spécifiquement.
- Plus la femme possède un microbiote intestinal et uro-génital sain et en santé, plus elle en fait bénéficier son bébé à son tour lors de l’accouchement par la contamination naturelle de bonnes bactéries en naissant.
Bon à savoir
Toutes infections traitées avec prise d’antibiotiques peuvent engendrer une perturbation de l’équilibre précaire du microbiote intestinal, qui est alors fragilisé, et ne peut plus assurer sa fonction immunitaire qu’on lui connaît à son plein potentiel. Les antibiotiques attaquent non seulement les mauvaises bactéries, mais aussi les bonnes, en réduisant la capacité naturelle à se défendre contre d’autres envahisseurs possibles. On traite une infection,mais on rend l’organisme par le fait même plus vulnérable. D’où l’importance des mesures préventives!
Avec ces constats, il serait cohérent et même pertinent de penser que, si l’on choisit volontairement de prendre un apport supplémentaire de probiotiques dès la grossesse, l’on peut réduire et même prévenir possiblement l’incidence de vaginites et vaginoses tout au long de la gestation et aussi, en postnatal.
Pourquoi attendre d’avoir l’infection pour réagir plutôt que d’agir en amont, en prévention?
Pour ce faire, on peut d’une part, s’assurer d’ingérer au niveau alimentaire davantage de produits riches en probiotiques comme, le Kéfir, les produits laitiers, le soja fermenté et de la choucroute par exemple.
Le tout dans le but d’assurer la colonisation du milieu uro-génital avec de bonnes bactéries protectrices, de garder le pH vaginal le plus normal possible et prévenir les symptômes désagréables chez la future ou nouvelle mère.
Au final, la prise de probiotiques peut aider à prévenir les infections vaginales fréquentes et récurrentes, comme la vaginite et la vaginose.
Marie Fortier
La spécialiste des bébés
Mise à jour de l’article : novembre 2024.
Pour compléter votre lecture sur le sujet :
- Microbiote intestinal
- Probiotiques pour bébé et durant la grossesse : oui ou non?
- Durant la grossesse, les infections à champignons sont-elles transmissibles à mon bébé?
En vidéo :
Références :
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¹ FMOQ, nov 2024
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Congrès de la santé de la Femme de la FMOQ, Québec, novembre 2024. Conférencier : Dr Mathieu Leboeuf