Tests génétiques : dépistage versus diagnostique

15-16 semaines de grossesse, Génétique, Premier trimestre

Dans notre précédent article, nous avons détaillé la différence entre les anomalies chromosomiques et les variants génétiques subtiles. S’il existe une grande diversité de causes pour ces maladies, vous devinerez que toutes les analyses génétiques ne sont pas identiques, et qu’il existe également une large diversité de tests plus ou moins ciblés qui permettent d’estimer ou de confirmer les risques génétiques et chromosomiques.

Une distinction cruciale à faire pour départager les analyses, c’est la fiabilité du résultat obtenu. On distingue ici deux catégories importantes : les tests de dépistage et les tests diagnostiques.

Les tests de dépistage 

Par définition, un test de dépistage vise à estimer la probabilité d’une ou plusieurs conditions de santé. Les paramètres déterminants d’un test de dépistage sont le taux de détection, qui est voulu le plus élevé possible, et la probabilité de résultat faux positif (c’est-à-dire des résultats qui apparaîtront à risque élevé bien que la maladie ne soit pas présente) qui est voulu le plus faible possible. 

Dans le contexte du dépistage prénatal des anomalies chromosomiques, les deux principales technologies disponibles sont : le dépistage biochimique (par marqueurs sériques) combiné ou non avec la mesure échographique de la clarté nucale, et le dépistage non invasif par l’ADN placentaire (généralement appelé ADN fœtal). 

Le dépistage prénatal biochimique

C’est l’analyse gouvernementale qui est offerte de manière universelle à la population générale des femmes enceintes (au Québec). Plusieurs facteurs produits par le placenta y sont analysés pour déterminer un risque, généralement seulement pour les trisomies 21 et 18. Le test couvert par la régie de l’assurance maladie du Québec implique deux prélèvements sanguins au premier et au deuxième trimestre. Des options en cliniques privées existent et permettent de produire un résultat avec une seule prise de sang au premier trimestre, combinée avec la mesure échographique de la clarté nucale* et offre un taux de détection supérieur au public tout en garantissant un résultat plus rapide. 

Selon la probabilité qui est établie, des tests supplémentaires tels qu’un dépistage par ADN fœtal ou un diagnostic prénatal pourraient être recommandés.  

*La mesure de la clarté nucale est parfois également disponible dans le système public, mais ce n’est pas le cas de toutes les structures de soin actuellement. 

Le dépistage prénatal par ADN fœtal

Il s’agit d’une analyse de fragments d’ADN en provenance du placenta qui sont présents dans le sang maternel pour estimer le risque d’anomalie chromosomique fœtale. Son taux de détection est supérieur au dépistage biochimique, ce qui en fait le dépistage ayant le meilleur taux de détection des anomalies chromosomiques. 

Un résultat à risque faible, ou sans aneuploïdie détecté, indique qu’il est peu probable que le bébé soit atteint de l’une des conditions ciblées par le dépistage. Un résultat à risque élevé indique qu’il y a un risque que le bébé soit atteint de l’une des conditions ciblées par le test. Un résultat non concluant indique que l’analyse n’a pu être complétée. Dans ce cas, la reprise de l’analyse pourrait être offerte ou un conseil génétique recommandé selon certaines situations.  

Bien que ce résultat soit très précis, un résultat indiquant un risque élevé est moins fiable pour une patiente sans facteur de risque que pour une patiente ayant des facteurs de risque d’avoir un enfant avec une trisomie (Ex. âge maternel avancé).  

Attention : dans tous les cas, un résultat à risque élevé ne constitue pas un diagnostic confirmé à 100%, et aucune décision ne devrait être prise pour la grossesse sans une analyse diagnostique fiable. 

Les tests diagnostiques invasifs  

Par opposition avec un dépistage, un test diagnostique est une analyse médicale qui vise à confirmer ou infirmer avec certitude un possible diagnostic. 

Dans le contexte prénatal, le diagnostic invasif est disponible pour toute patiente dont la grossesse aurait été identifiée à risque pour une condition génétique ou chromosomique. Une des raisons les plus communes de procéder à ces tests est la présence d’un risque élevé au dépistage pour une anomalie chromosomique fréquente (trisomie 21, 18, 13 ou des chromosomes sexuels), mais le diagnostic prénatal est également indiqué dans le cas d’un risque de condition génétique ou chromosomique qui pourrait être hérité des parents biologiques en lien avec des antécédents médicaux ou obstétricaux, et/ou suite à l’identification de signes échographiques spécifiques. Selon la raison de procéder au diagnostic, des analyses ciblées distinctes seront effectuées sur le matériel obtenu. 

Il existe deux procédures invasives principales pour effectuer un diagnostic prénatal : la biopsie des villosités choriales, et l’amniocentèse. 

La biopsie des villosités choriales

La biopsie choriale n’est disponible que dans certains centres hospitaliers et ne peut se pratiquer que sur une courte période, soit approximativement entre la 10e et la 14e semaine de grossesse, selon le centre de référence. Toujours effectuée sous échographie, elle correspond au prélèvement d’une petite portion de tissu placentaire en intra-vaginal ou intra-abdominale selon la localisation du placenta. Cet échantillon permet une analyse plus précoce que celle de l’amniocentèse. Environ 1-2% des biopsies des villosités choriales sont non concluantes en raison de contamination maternelle. Ceci qui signifie que l’échantillon pourrait représenter l’ADN de l’utérus et non celui du placenta.  

L’amniocentèse

L’amniocentèse est généralement disponible à partir de 15 semaines de grossesse et consiste en un prélèvement de liquide amniotique au niveau de l’abdomen, sous guidage échographique. Ce liquide contient de nombreuses cellules du fœtus, notamment de sa peau et de son système urinaire, et va permettre une analyse directe de l’ADN fœtal.  

Dans un cas comme dans l’autre, les techniques de biopsie choriale et d’amniocentèse sont invasives et sont donc associées à des risques, incluant possiblement selon l’âge gestationnel, un avortement spontané ou un accouchement prématuré. Il est donc essentiel de bénéficier d’un conseil génétique pour accompagner la prise de décision d’effectuer ou non ces procédures, en fonction de l’évaluation des risques estimés pour la grossesse en cours. Il est communément accepté que ces procédures invasives sont disponibles lorsque le risque d’identifier une anomalie génétique ou chromosomique est supérieur ou égal au risque de perte fœtale associée à la procédure. 

Les analyses génétiques suite au prélèvement invasif

La biopsie choriale et l’amniocentèse ne sont que des procédures pour obtenir un échantillon d’ADN. De la même manière qu’avec un prélèvement sanguin ou salivaire, une fois l’échantillon obtenu, de nombreuses analyses différentes pourront être effectuées. Le type d’analyse spécifique va dépendre de la nature du risque que l’on souhaite élucider. 

  • L’analyse de caryotype évalue le nombre de copies et la structure des chromosomes. Elle est non ciblée et va regarder tous nos chromosomes. C’est un test assez standard qui peut être prescrit par tout médecin, et qui est indiqué dans de nombreux contextes cliniques (ex : suspicion de translocation chromosomique, risque de trisomie pour une grossesse, fausses-couches à répétitions, diagnostic de retard de développement, déficience ovarienne précoce, azoospermie, etc.). Ici, seuls les chromosomes entiers et les gros morceaux de chromosomes manquants ou dupliqués sont visibles. Les échantillons prénataux sont généralement d’abord évalués avec un test plus rapide appelé FISH ou QF-PCR pour évaluer les chromosomes les plus susceptibles d’être anormaux (13, 18, 21, X et Y).
  • Les analyses de micropuce CGH sont également non ciblées et visent à examiner la présence de plus petits morceaux de chromosomes en plus (microduplication), ou en moins (microdéletion), et ce dans tous nos chromosomes. C’est une analyse plus approfondie qui est majoritairement prescrite par les médecins généticiens dans certains contextes spécifiques (ex : suspicion d’une condition génétique syndromique prénatale ou néonatale, identification d’un réarrangement chromosomique qui aurait pu entraîner une perte de matériel chromosomique aux points de cassure, etc.). 
  • Les analyses de séquençage sont des techniques moléculaires précises qui évaluent la présence de changements génétiques subtils (ou ‘’fautes d’orthographe’’ dans l’alphabet génétique). Lorsque la raison du test est ciblée et que l’on veut éliminer une mutation ou une condition de santé spécifique, le séquençage ne pourrait concerner qu’un seul gène. Dans certaines situations ce sont des panels de plusieurs dizaines ou centaines de gènes qui seront indiqués, par exemple lorsqu’on cherche à identifier la cause d’une condition génétique syndromique visible à l’échographie (généralement suite à un résultat normal de l’analyse de micropuce) et que nous voulons éliminer plusieurs diagnostics. 

Hors du contexte prénatal, des panels moléculaires sont utilisés quand plusieurs gènes sont impliqués dans une même condition de santéchez un individu enfant ou adulte (ex : panel de prédisposition pour le cancer du sein héréditaire, panel de maladies génétiques cardiaques, panel de difficulté neurodéveloppementale). Un autre exemple de panel impliquant plusieurs centaines de gènes est le test génétique de porteur étendu, qui vise à évaluer le risque préconception de transmettre une condition génétique à sa descendance. 

 Si on revient au contexte spécifique d’une grossesse en cours, quelle que soit la raison initiale pour cette procédure, le premier test effectué inclus généralement les aneuploïdies fréquentes viables (trisomies 21, 18, 13 et chromosomes sexuels). Si le seul risque connu concerne les trisomies fréquentes, aucune autre analyse ne sera effectuée. Selon l’indication, si nous avons des signes échographiques particuliers ou une condition spécifique à éliminer en lien avec des antécédents médicaux ou familiaux, une analyse de micropuce et/ou des analyses de séquençage ciblées ou des panels moléculaires de plusieurs gènes pourraient être effectués par la suite. 

Le champ de la génétique médicale est complexe! Si vous avez un doute sur votre éligibilité à des analyses génétiques spécifiques, n’hésitez pas à en parler à votre médecin et à être référé pour un conseil génétique.

 

 

Claire Bascunana, Conseillère en génétique (MSc, CCGC)

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Par Claire Bascunana Temps de lecture: 7 min
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