L’univers des bébés prématurés

Accouchement, Conseils santé, Postnatal

Bonjour les parents,

L’univers de la prématurité est un vaste monde. Tel que je l’ai expliqué dans le billet Qu’est-ce que la prématurité?, il y a différents niveaux de prématurité, différents vécus chez les femmes, les hommes et les familles, avec une adaptation et un attachement qui peuvent être plus longs à développer compte tenu de la séparation de l’enfant à ses parents.


Dans ce billet : 


Un bébé né avec une très grande prématurité est un être fragile et vulnérable face à plusieurs complications parce que son système est encore très immature. Naître 12 semaines avant son terme n’est pas une mince affaire. Une grossesse est faite pour parfaire, tout au long des 40 semaines, les fonctions du bébé à naître afin que son développement soit optimal lors de son arrivée dans le monde extra‑utérin. Chaque système vital d’un être humain, chaque membre du corps, chaque structure se fabrique selon une cadence, un rythme biologique bien établi par la nature. On parle de jours, de semaines et de mois avant d’aboutir à la maturité. Même nouveau‑né, un bébé a encore des systèmes immatures, et ce, même si son apparence extérieure semble raffinée et complète.

Par ce billet, je vais tenter de vous expliquer plus précisément la fragilité, l’immaturité d’un prématuré à travers ses différents systèmes. Cela vous aidera très certainement à mieux le connaître dans toute son entité. Je vous préciserai également l’impact de la prématurité sur l’allaitement maternel, sur le retour à la maison et sur le développement du bébé dans les années qui suivront sa naissance.

Les impacts possibles de la prématurité sur le développement d’un bébé

Au niveau respiratoire :

Un bébé aura sa fonction respiratoire en développement jusqu’aux dernières semaines de la grossesse. En effet, le développement des alvéoles pulmonaires demeure incomplet tant que la substance, le surfactant, ne soit disponible pour permettre aux alvéoles (sacs) de bien s’ouvrir et de permettre les échanges gazeux nécessaires à la survie du bébé.

Habituellement, après 34 semaines de grossesse, le risque du manque de surfactant se fait de moins en moins sentir chez les bébés.

Avant 34 semaines, le manque de surfactant peut être à l’origine d’une détresse respiratoire chez un bébé prématuré qu’on appelle aussi maladie des membranes hyalines. C’est pourquoi on peut donner une médication à la mère qui montre des signes de travail prématuré ou durant le travail lui‑même, si possible, pour permettre de compenser le manque de surfactant et agir sur l’ouverture des alvéoles au grand bénéfice du prématuré.

Il ne faut pas non plus se surprendre qu’un bébé prématuré ait des pauses respiratoires, des périodes d’apnée qu’on appelle dans notre langage. Ces périodes d’arrêts respiratoires font souvent très peur aux parents car le temps nous parait tellement long avant que le bébé reprenne finalement son air par lui‑même. On a l’impression qu’il est en arrêt respiratoire complet. Ces pauses peuvent facilement durer 10 secondes et plus, ce qui n’est pas rien quand on est à côté à le regarder et à attendre.

Le monitoring en place en tout temps pour les bébés prématurés en néonatalogie capture aussi le rythme respiratoire. Cette technologie permet aussi d’aviser le personnel, grâce à des alarmes, si la respiration du bébé semble aberrante. C’est rassurant n’est‑ce pas?

Au niveau cardiaque et sanguin :

Ayant un cerveau dont le développement reste à parfaire, il est prévisible qu’un bébé prématuré ait un rythme cardiaque qui peut être irrégulier. Il y a des décélérations cardiaques (diminution du rythme cardiaque) souvent inexpliquées, ce qui nécessite un monitorage presqu’en continu pour mieux surveiller cette dimension.

L’immaturité du système nerveux central est à la base du dérèglement du rythme cardiaque. Le temps permet d’acquérir de plus en plus de maturité et de stabilité pour cette fonction essentielle à la vie.

Au niveau des vaisseaux sanguins d’un bébé prématuré, surtout avant 34 semaines de grossesse, on remarque qu’ils sont plus fragiles et peuvent éclater plus facilement, ce qui est très préoccupant quand on pense à l’accouchement lui‑même. Les changements de la pression durant le travail et l’accouchement ainsi que la pression plus grande sur la vascularisation lors de la mise au monde peuvent être à l’origine d’hémorragies intracrâniennes. Elles peuvent se manifester dans les jours ou les semaines qui suivent la naissance du bébé. C’est pourquoi le personnel en place est toujours soucieux de reconnaître les signes de cet état pour pouvoir mieux intervenir.

Au niveau immunitaire :

Encore une fois, l’immaturité du bébé fait en sorte que sa capacité à se défendre contre les micro‑organismes de l’environnement est déficitaire et le prédispose à s’infecter plus facilement. L’hygiène et l’asepsie prendront une importance capitale lors des soins dispensés ou lors des contacts à un bébé de très grande prématurité.

Les infections le plus à redouter sont celles en lien avec le sang (la septicémie), les poumons (la pneumonie), les membranes méninges (la méningite) et les reins (souvent en infection urinaire).

Le lait maternel est un aliment très adapté au bébé prématuré au niveau nutritionnel mais aussi au niveau immunitaire avec les anticorps que la mère donne à son bébé via son lait. Vous comprenez que mettre le bébé au sein ou exprimer le lait pour lui donner ensuite sera une action très valorisée de la part des intervenants autour de vous.

Des vaccins peuvent être suggérés pour les grands prématurés pour aider à la fabrication d’anticorps afin de mieux se protéger. Par la suite, le calendrier vaccinal sera suivi avec l’âge chronologique du bébé. À 2 mois de vie, il aura des vaccins puis à 4 mois et ainsi de suite, peu importe qu’il soit né avant ou pas.

Au niveau des composantes du sang :

bébé_incubateur_prématuritéNaturellement, lorsqu’un bébé vient au monde, on coupe le cordon ombilical qui le tenait lié à sa mère. Ce cordon lui a permis de recevoir, jusque-là, nutriments et oxygène en plus d’éliminer ses déchets.

Puis, vient le jour de la naissance où le bébé devra prendre ses nutriments autrement, par sa voie digestive. Après l’accouchement, il devra boire rapidement pour garder ses paramètres sanguins assez stables.

Il n’est pas surprenant de remarquer une baisse drastique de la glycémie (sucre du sang) quelques minutes après la naissance d’un prématuré. Souvent, un grand prématuré ne peut pas téter le sein de sa mère ni le biberon par manque de coordination entre téter, respirer et avaler.

Ce processus semble bien simple mais il est très complexe. Il demande une maturité plus importante, une force et de l’énergie que le très petit bébé prématuré n’a pas pour exercer cette activité. Le personnel nourrira le bébé autrement pour maintenir le plus possible l’équilibre des composantes de son sang nécessaire à sa bonne croissance. Des suppléments en fer, en calcium, en phosphore et autres peuvent être prescrits en plus par le médecin, puisque ces réserves se font habituellement dans le dernier trimestre de la grossesse pour un bébé in‑utéro.

Au niveau de son système digestif (estomac et intestin) :

Pour son estomac, on peut s’attendre à voir les symptômes typiques des reflux gastro-œsophagien compte tenu que la maturité du muscle à l’entrée de l’estomac est loin d’être acquise chez un grand prématuré.

Des mesures seront mises de l’avant dès le début de la vie d’un prématuré pour le rendre le plus confortable possible avec les reflux : position, quantité et sorte de lait et médication au besoin.

Pour son intestin, le bébé doit vivre encore une fois avec un système bien sensible et qui manque cruellement de maturité. Le microbiote intestinal d’un bébé prématuré est très différent de celui d’un bébé né à terme. La performance de sa fonction immunitaire, digestive et d’élimination s’en trouve de beaucoup diminuée.

L’intestin aura de la difficulté à absorber les nutriments. Il pourra aussi réagir fortement face à un agent présent sur ses parois (bactérie ou autres). L’élimination des déchets de l’organisme sera aussi plus difficile à expulser via des selles.

La complication sévère qu’il faut surveiller en néonatalogie au niveau intestinal d’un prématuré fait référence au diagnostic de l’entérocolite nécrosante du nouveau‑né. C’est une condition où l’on retrouve une inflammation importante de la muqueuse interne intestinale qui peut aller jusqu’à des lésions ou une perforation. Cet état peut, au départ, provoquer des vomissements, des diarrhées et des saignements importants.

Au niveau du foie :

Le foie d’un bébé prématuré est lui aussi immature et il n’arrive pas à faire entièrement le travail qu’on s’attend de lui.

Lorsqu’un bébé vient au monde, même à terme, il y a une destruction massive de globules rouges qu’il a en trop dans son sang vu sa petitesse. La dégradation de ces globules rouges libère un pigment jaune appelé la bilirubine.

Le foie d’un bébé naissant n’est pas en mesure de métaboliser, de transformer ce pigment facilement et il s’en suivra une accumulation dans le sang du bébé. Ce processus normal d’ajustement post-accouchement s’appelle la jaunisse physiologique du nouveau‑né.

L’intensité variera d’un bébé à l’autre. Les résidus de la bilirubine seront, le plus souvent, éliminés via les selles et aussi via la peau du bébé, lui donnant souvent une coloration jaunâtre que l’on appelle communément la jaunisse.

Photo- Bébé prématuré en luminothérapie : Qu'est-ce que la prématurité?Une jaunisse deviendra pathologique lorsque le taux de bilirubine dans le sang atteint un seuil trop élevé. Ce pigment peut alors traverser la barrière cérébrale et amener des séquelles neurologiques importantes au bébé. C’est pourquoi tous les bébés seront testés dans les jours qui suivent la naissance.

Si la mesure est trop élevée, on gardera le bébé à l’hôpital pour le mettre sous photothérapie (les lampes de lumière) afin de diminuer au plus vite le seuil de bilirubine sanguin en favorisant son élimination par la peau grâce à la lumière.

Pour un bébé prématuré, on peut dire que la photothérapie est un traitement très utilisé et même doublement. On pourrait leur installer une lumière au‑dessus et une autre en‑dessous pour activer encore plus la dégradation et l’élimination de la bilirubine dans le sang et prévenir au plus vite les complications possibles.

Au niveau de la régulation de la température corporelle :

Encore une fois, la condition neurologique d’un bébé né avant terme ne permet pas souvent la stabilité de sa température corporelle. Il est habitué d’être à une certaine température dans l’utérus qui le garde bien au chaud. Après sa naissance, on tentera de le garder encore une fois, à la chaleur afin de favoriser au mieux la continuité de sa croissance et éviter, en même temps, le déploiement de son énergie à tenter de se réchauffer.

L’incubateur des unités de néonatalogie permet à sa façon de garder le niveau de chaleur et d’humidité stable pour le bébé, jusqu’à ce qu’il n’en ait plus besoin.

De plus, les bébés prématurés naissent souvent très maigres et sans tissus graisseux sous‑cutané, puisque ceux‑ci s’accumulent normalement davantage dans les dernières semaines de la grossesse.

J’espère que ces explications vous dressent un portrait assez général des fonctions vitales d’un bébé prématuré. Maintenant, comment ce bébé pourra‑t‑il être nourri s’il naît à 28 semaines de grossesse par exemple?

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(Musique) Marie Fortier : Bonjour les parents, je suis contente d’être avec vous aujourd’hui. En fait, je vais vous parler d’un sujet délicat aujourd’hui, celui d’accueillir un enfant différent dans sa vie. Même si aujourd’hui on bénéficie d’un suivi de grossesse très très rapproché, qu’on a plusieurs tests diagnostic de dépistage de maladies. Il n’en demeure pas moins qu’on peut se retrouver bien impuissant devant les forces de la nature qui sont devant nous. Et je vous comprends, quand on attend un bébé, on se prépare à l’arrivée d’un bébé en santé. Pour la grande grande majorité, c’est un événement heureux d’accueillir un bébé dans sa vie et là, quand on retrouve devant l’évidence qu’un bébé différent va naître ou qu’il est déjà arrivé, ça l’amène tout son lot d’émotion et d’incompréhension. C’est sûr qu’aujourd’hui, moi je veux ouvrir sur le sujet, je veux vraiment qu’on passe ces tabous-là, pour parler de ce sujet-là, même si c’est touchant, je pense que c’est important de savoir que ça se peut et pour cela, j’ai invité des personnes qui vont être là qui travaillent, qui côtoient au quotidien des familles, des enfants qui vivent ce drame. Alors, je vous les présente à l’instant: Stéphanie Santos, toi tu es infirmière, coordonnatrice, et Marie Roberge toi, tu es travailleuse sociale, toutes deux êtes dédiées à l’équipe cranio-faciale ici au CHU Sainte-Justine. C’est bien cela? Écoutez peut-être en entrée de jeux, je vous demanderais, pourquoi vous trouvez cela important d’être ici aujourd’hui pour vraiment parler aux parents d’accueillir un bébé différent, pourquoi c’est important pour vous? Peut-être Stéphanie? Stéphanie : En fait, je suis infirmière depuis 13 ans et ça fait quand même 10 ans que je suis en cranio-facial. Avant de travailler ici, j’avais plus ou moins conscience de, c’est quoi avoir un bébé différent et en cranio-facial, encore un petit peu plus qu’ailleurs, je trouve que c’est important d’en parler pour faire connaître cette réalité-là pour que les parents se sentent moins seuls et que les enfants se sentent moins isolés et pour déstigmatiser un petit peu tout cela avec la population en général. Marie Fortier : C’est bien, et toi Marie? Marie Roberge: Moi ça fait environ 9 ans que je suis travailleuse sociale et j’ai toujours été ici. Ça été un choix de venir en cranio-facial parce que pour moi, ce qui est intéressant c’est de voir que c’est les conditions médicales qui ont un impact au niveau social parce que c’est une différence qui est faciale et donc, pour moi, c’était important d’accompagner les parents dans des situations avec des conditions qu’on ne connaît pas au préalable et aussi le fait d’avoir cet impact au niveau psycho-social de faire connaître aussi au public et aux gens pour changer un peu, le regard que les gens peuvent avoir sur ces enfants qui sont différents Marie Fortier : Exactement merci! C’est bien. C’est sûr que d’apprendre qu’on a un bébé différent peut se faire à différents moments. Il y a durant la grossesse ou après l’accouchement ou plus tard avec le développement aussi avec des maladies métaboliques comme le diabète, aussi des malformations, des syndromes neurologiques divers alors, par rapport à l’annonce, c’est sûr que quand on sait, l’impact comme tu disais et le réseau de soutien, on va tout parlé de cela, mais, avec vos expériences respectives, votre expertise, comment vous annoncer ça, des exemples concrets, ça se passe comment habituellement? Stéphanie : En fait, il y a plusieurs moments comme vous dites ou l’annonce du diagnostic peut se faire des fois c’est en anténatal, souvent à l’échographie à 20 semaines, la fameuse échographie où on pense apprendre le sexe du bébé exclusivement et qu’on se rend compte qu’il y a un petit quelque chose qui ne fonctionne pas au niveau du visage ou autres. Nous c’est plus au niveau du visage, mais à ce moment-là, souvent les radiologues ou les gynécologues ont tendance à rester très discrets et à pas trop donner d’informations pour ne pas déformer les informations aux parents et réfèrent plutôt, aux médecins spécialistes qui vont prendre l’enfant en charge quand l’enfant vont naître, dans notre cas, c’est les chirurgiennes plasticiennes en fait qui s’occupe de voir les enfants. On les rencontre le plus rapidement possible pour ne pas laisser les parents dans ce stress épouvantable là. On leur montre des photos, on leur explique c’est quoi qui arrive à court, long terme et à quoi ils doivent s’attendre. On leur dit qu’on est là, et qu’on va être là quand le bébé va arriver. C’est en anténatal et les parents peuvent vivre cela avant la naissance et à la naissance parfois et le même problème n’a pas été dépisté avant la naissance et oups! On voit ça, le choc est différent. On est impliqué de la même façon à ce moment-là, et il y a certaines anomalies, en ce qui nous concerne cranio-facial et plusieurs autres maladies infantiles qui apparaissent plus tard donc, l’enfant est correct et grandi bien puis, oups, tout d’un coup, quelque chose qui s’installe et ça aussi c’est vécu différemment par les parents. Le processus est toujours le même, on fait une référence tout de suite assez rapidement auprès des médecins pour le suivi Marie Fortier : Pour avoir le suivi en conséquence. Stéphanie : et le support. Marie Roberge : Oui c’est sûr, des fois, certains parents qu’ils le savent à la naissance ou plus tard et disent, j’aurais aimé le savoir avant, j’aurais pu me préparer. Mais en même temps, c’est à deux tranchants, souvent les parents qui on eu le diagnostic en anténatal, vont me dire, c’est comme si j’ai une partie 1 et une partie 2 dans ma grossesse. La première partie, on est tellement contents, on va avoir notre petit bébé, tout cela, et là…..c’est comme s’il y avait une bombe à 20 semaines à cette fameuse écho. Et comme dit Stéphanie, souvent le médecin référent arrive à référer vers les spécialistes, vers les chirurgiennes plastiques, ils ne vont pas trop s’avancer et les parents vont avoir le réflexe, qu’on a tous, d’aller sur internet, d’aller googler et y vont voir pleins de conditions qui ne ressemblent pas nécessairement à leur enfant, donc, plus un stress énorme aussi par rapport à cela et le stress de vouloir préparer à tout prix, parce que c’est ça, on va se dire, comment je vais réagir parce que c’est quelque chose de visuellement différent. Est-ce que je vais m’attacher à mon bébé? Est-ce que je vais le pleurer et même pour les mamans la culpabilité de dire durant la grossesse, est-ce qu’il le sent que je suis triste. Marie Fortier : Est-ce qu’il y a quelque chose que j’ai fait qui n’était pas correct? Marie Roberge : Oui on rejoint exactement, tout ce que j’ai mangé, j’ai fait, les exercices que j’ai faits. Marie Fortier : Une responsable. Marie Roberge : Souvent, il n’y en a pas de cause... Mais, dans cette injustice-là, on veut trouver une responsable, c’est sûr dans ces dimensions-là, il y a des choses qu’on peut préparer durant la grossesse, mais qu’il faut préparer les gens et leur laisser leurs réactions à la naissance parce que c’est important de dire, oui, je me prépare le plus que je peux, mais je réagirai comme je réagirai. Et ce que je dis souvent, toujours aux parents, c’est que ce n’est pas que vous pleurer votre enfant, vous pleurer sa condition et on peut être heureux d’avoir notre enfant et de vivre la naissance de façon heureuse, mais en même temps être triste parce que c’est sûr, votre enfant n’est pas exactement comme on le souhaitait, un enfant en santé, normal, tout ça. Marie Fortier : Exact, peut-être, si on continue sur la même lignée. Quand on apprend ça, il y a tout un ensemble d’étapes qu’on doit traverser pour arriver plus je dirais pas à accepter inconditionnellement, mais je dirais, à vivre avec cette réalité-là mieux, peux-tu nous en parler plus Marie? Marie Roberge : Souvent, je dis aux parents, ce n’est pas dans un processus de deuil ou la perte, mais ce n’est pas le projet comme on l’imaginait, c’est sûr que ce n’est pas un processus linéaire, on passe pas une étape première étape, une deuxième et une troisième étape et personne ne vit pareil dans un couple comme vous dites par rapport à maman qui se sent coupable de sa grossesse parce que c’est elle qui l’a porté, il y a des choses qui ne sont pas vécues de la même façon et c’est correct. Donc, c’est sûr que toutes ces étapes là, c’est normal de pleurer, parce que ce n’est pas ce que l’on souhaitait, ça ne veut pas dire que parce qu’on est triste au début qu’on ne l’acceptera pas et ça ne veut pas dire que si on traverse tout cela et qu’on a accepté et que oui, notre enfant est différent qu’on apprend à avoir confiance que oui, nos capacités et habiletés parentales qu’on peut lui inculquer une estime de soi et tout cela que peut-être le jour précédent l’entrée à la maternelle, qu’on n’aura pas cette espèce de boule, cette crainte-là qui nous revient, ce n’est pas qu’on recule en arrière, c’est une étape de vie. Marie Fortier : Qui se chevauche. Marie Roberge : Qui se chevauchent, c’est normal, je dis souvent aux parents que le premier regard, le regard des autres “ C’est les parents “. C’est normal au début, on n’a pas la confiance de dire, est-ce que je pourrai lui inculquer une belle image de soi, on a de la misère nous-mêmes de l’accepter, il faut se donner le temps, et ensuite, après ça, on gagne confiance en nous dans tout ce processus-là avec notre enfant. Marie Fortier : Ce qu’il faut comprendre, c’est une évolution, ça prend du temps. Il n’y a rien qui va venir tout seul et que cette situation-là, cette réalité-là amènent un impact partout dans la vie des gens comme, pour le parent lui-même individuellement, mais il y a des couples aussi qui sont souvent fragilisés aussi dans une situation comme cela et l’entourage, la famille et quand il y a d’autres enfants, les familles encore plus désorganisées, vous voyez cela souvent? Stéphanie : Oui, déjà, je pense que l’arrivée d’un enfant, quand c’est un premier, c’est le premier, il faut s’adapter à toute cette réalité-là et en plus, il y a un petit défi supplémentaire avec un enfant différent. Déjà d’être parent en soi, avec la venue d’un enfant 1er, 2e ou troisième, il faut déjà se réorganiser un petit peu et là, il y a une situation qui fait en sorte qu’il faut se réorganiser encore plus et ça l’a effectivement un impact sur l’entourage, des fois des couples et comme disait Marie tantôt, dans le couple, ils ne perçoivent pas la chose de la même façon, ça arrive pour n’importe quelles sortes de situations dans la vie là, mais là, c’est notre enfant et des fois, il y a des choses à travailler, à éclaircir. Il faut communiquer beaucoup, beaucoup, beaucoup, l’impact sur les autres enfants, la culpabilité que ça donne de plus aux parents, de dire, ce n’est pas que nous qui sont pénalisés dans la situation, je ne peux pas me séparer en 4, il faut que je sois à l’hôpital avec un et j’ai l’autre qui m’attend à la maison. Et j’irais jusqu’à dire avec l’entourage, on a pu observer à quelques reprises quand même les grand-mamans, les grands-papas, les oncles, les tantes voudraient être là, mais ne savent pas comment réagir, ils ne savent pas quoi faire. Marie Fortier : Quoi faire? Stéphanie : On a un malaise et des fois, puis, qu’ils ne savent pas comment réagir, ils se retirent et ce n’est pas pour mal faire, c’est juste qu’on n’est pas outillés pour supporter et on pense qu’on ne sera pas supportant et on se retire un petit peu. Marie Roberge : Oui effectivement, il y a des fois un malaise, normal de nos jours qu’en on a un enfant. Marie Fortier : C’est la joie! Marie Roberge : C’est la joie, on veut le partager, on met toutes nos photos de présentation sur Facebook “Voici notre petit bébé”. Pour ces parents, il y a un questionnement, est-ce qu’on le fait? Les gens vont réagir, est-ce qu’ils vont être mal à l’aise de dire “Félicitations”, mais en même temps, ils ne savent pas trop quoi faire et en même temps, ces enfants en cranio-facial avec leurs malformations au niveau, souvent, il y a des difficultés d’alimentation, ou au niveau respiratoire. C’est des enfants qui restent hospitalisés souvent, ça prend des services surspécialisés donc, on n’est pas dans notre région et surtout comme disait Stéphanie, ils ont d’autres enfants, ils sont à la maison. Marie Fortier : Ils sont éloignés. Marie Roberge : On est ici, on vit dans cette bulle-là. Stéphanie : Maman ne peut pas retourner faire dodo à la maison et revenir demain, il faut que maman reste là. Marie Fortier : Et même, j’ai des parents que j’ai côtoyés qui disait, même au niveau du budget familial! Marie, la maman qui avait laissé son emploi pour se dévouer entièrement à tous les soins de son enfant. Toutes les dépenses reliées à l’hébergement, au transport, toutes les investigations répétées, les soins ultra-spécialisés qui devaient se déplacer ça et là, a un impact sur tout le devenir des parents à quelque part. Marie Roberge : Oui, c’est des choses qu’on ne pense pas, mais c’est sûr qu’on dit que c’est des conditions plus rares qui nécessitent des soins spécialisés. Pour nous au niveau de la clinique cranio-facial, c’est ici à Montréal. Donc, on a des familles qui viennent de partout, la Gaspésie, de l’Abitibi donc, comme vous dites, c’est des frais, de l’organisation familiale. C’est sûr qu’il y a des choses qui peuvent venir en aide par rapport à tous les déplacements, des conditions des fois par le gouvernement. Marie Fortier : C’est très important les ressources, il en faut. Il y en a beaucoup qui pensent qui sont laissé pour compte. Ok, il y a des soins, mais qu’est-ce qu’on va faire, comment on va faire pour joindre les 2 bouts? Stéphanie : Il n’y a rien de miraculeux, je pense que des ressources, il y a une amélioration. Marie Roberge : Il y a toujours des limites, mais c’est sûr qu’il faut le savoir. Quand on doit aller dans une autre région, comme je dis, plusieurs régions, il y a des programmes qui couvrent des frais de déplacements et d’hébergement pour les parents qui vivent loin, car ils n’ont pas les services surspécialisés dans notre région donc, on peut se référer à notre hôpital de région pour avoir des frais là. Souvent aussi les enfants qui ont certaines conditions peuvent avoir un supplément pour enfant handicapé qui est une allocation familiale, ça aussi peut aider. C’est des choses limitées et ça cause un autre stress aussi sur la famille, le stress dans la famille, l’organisation familiale, séparé de la famille, s’il y a d’autres enfants et tout cela, ça fait beaucoup de chamboulement. Marie Fortier : On voit toute l’ampleur que ça peut prendre et vous assurez les suivis après, parce qu’ils ne sont pas toujours hospitalisés et vous référez, quand ils sortent, des références dans le réseau de la santé pour le suivi. Stéphanie : En fait, les enfants, parlons pour notre clinique à nous, c’est des enfants qui ont besoin de plusieurs suivis avec plusieurs spécialistes différents, c’est dur pour un parent. On en a qui sont super organisés, bon il faut qu’on aille en ORL, faut que, faut que, mais on essaie de leur organiser les choses le plus possible pour regrouper les rendez-vous et tout ça. C’est sûr que tout ce qui peut-être fait à la maison, dans leur secteur, on essaie de leur faire ça, mais en même temps, parfois, ils ont besoin de soins ultra-spécialisés ici et oui, on les organise tout cela et souvent, on les suit jusqu’à 18 ans et même au-delà, même au-delà oui. Marie Roberge : On dit souvent qu’on les adopte pour longtemps, souvent aussi en même temps, comme dit Stéphanie, il y a beaucoup de choses qu’on peut faire en région et on a une conscience de dire, on sait ce que ça fait pour une famille de devoir s’organiser, de venir ici à Montréal et tout cela, donc, regrouper les rendez-vous, faciliter tout cela dans l’organisation familiale et en même temps dans notre discours, oui, c’est important dans nos valeurs, oui, on vous adopte, oui nous votre différence, c’est notre normal. Marie Fortier : C’est votre quotidien. Marie Roberge : Oui, on a un regard différent par rapport à tout cela, c’est sûr que c’est limité, mais il y a des familles que j’aimerais suivre plus régulièrement, mais la distance géographique fait qu’on ne peut pas. C’est sûr qu’il y a des gens qui m’appellent quand il y a des situations, mais c’est limité. Il y a des suivis qu’on peut faire par des collègues dans le réseau, au CLSC, on se parle. Des fois, ça peut-être aidant de se référer à nous, on se parle, mais là, pour nous, cette surspécialité-là, ou de penser à c’est quoi, parce que des fois, les parents aiment ce côté-là différent au niveau facial, comme on dit, souvent ce n’est pas une difficulté médicale, elles ne sont pas physiques, c’est des difficultés que la situation médicale apporte qui sont psycho-social au niveau du rapport aux autres. Marie Fortier : D’où l’importance du soutien psychologique d’accompagnement pour l’enfant qui grandit et les parents. Stéphanie : Et pour l’entourage. Marie Roberge : Oui, c’est pour cela qu’on est une équipe multidisciplinaire. Moi mon rôle est beaucoup plus au niveau des parents et nous on a 2 collègues psychologues pour accompagner les enfants en même temps à travers tout cela et le cheminement d’acceptation et aussi pour prendre des décisions un petit peu plus tard par rapport à des chirurgies, qu’est-ce qu’ils veulent vraiment. Marie Fortier : La suite. Marie Roberge : La suite inclut l’enfant dans son processus. Marie Fortier : Il faut dire qu’à travers tout cela, il peuvent être très heureux. Les enfants et la famille, que ce n’est pas négatif pour le reste de la vie. Stéphanie : Il faut essayer, on dit souvent aux parents, oui, vous avez un enfant, c’est un enfant! Marie Fortier : C’est votre enfant. Stéphanie : C’est votre enfant, puis il va avoir sa vie d’enfant, oui, il a ça ça ça. Il va vous faire les mêmes niaiseries que votre plus vieux, il va vous faire une crise de bacon parce qu’il veut de la gomme dans la machine, il va faire les mêmes niaiseries que les autres enfants, c’est un enfant! Et nous autres, on est là pour aider les parents, les accompagner pour qu’ils deviennent le plus épanouis possible. Et vous seriez surpris de voir le nombre de jeunes ados, adultes, qui n’ont jamais voulu des chirurgies qui n’ont pas voulu corriger leur différence parce qu’elle fait partie d’elle. Puis, il y en a d’autres que c’est plus difficile, j’aurais tendance à dire que la majorité, ça va bien. Marie Fortier : Il faut avoir confiance. Marie Roberge : Oui, il faut se faire confiance et comme dit Stéphanie, au début, la peur, on pense au pire, on pense au pire. Marie Fortier : C’est le premier réflexe. Marie Roberge : C’est ça qui est différent avec des conditions comme cela. Quand on a un petit bébé, on se projette 20 ans plus tard et ce qu’on fait avec un petit bébé qui n’a pas de condition. Est-ce qu’il va avoir une blonde? Va-t-il avoir des amis, être victime d’intimidation? On ne pense pas à ça avec un bébé normalement. C’est tellement de grosses questions et on a pas de contrôle à savoir et c’est vrai qu’on rencontre des enfants ou au niveau de leur développement psycho-social c’est incroyable. Marie Fortier : Ils surprennent tout le monde. Marie Roberge : Ils surprennent tout le monde, et moi, souvent qu’on dit, je pense qu’on a le même discours moi et Stéphanie, quand on fait des retours de notre expérience, c’est vrai que dans notre clinique, dans nos familles, on a pu voir des enfants des plus beaux. Marie Fortier : Extraordinaire, vous êtes de bonnes personnes aussi pour les soutenir. Quand ils se sentent aimés et se sentent pris comme ils sont, je pense que ça leur donne du carburant pour avancer plus facilement grâce à des intervenants comme vous. Marie Roberge : On aime ça! On dit souvent la différence fait partie de leur enfant, ce n’est pas leur enfant qui est différent, il a une différence! Donc, souvent, quand je vous dis de toutes les réactions dans la grossesse et là, je leur dis, attendez, vous allez rencontrer votre enfant, là, vous pensez juste à la différence, c’est tout ce qui prend la place, prenez le temps de rencontrer votre petit bonhomme, cette petite fille et comme on dit, les enfants nous surprennent énormément dans leurs capacités d’adaptation. Marie Fortier : Écoutez, on pourrait en parler longtemps, il y a beaucoup à dire, je vous remercie beaucoup d’avoir été là, mais j’aimerais en conclusion, qu’est-ce que vous voulez laisser de part et d’autre avec votre expérience et expertise respective, un message clé si on peut dire? Stéphanie : Moi, je dirais, tout ce que vous vivez ou avec votre vécu, ou ce que vous vivrez, c’est NORMAL. Il ne faut pas hésiter à parler, à demander de l’aide, vraiment faut le dire. Il n’y a rien de ce que vous vivez qui est anormal, on a déjà vu ça, on va vous aider, vous allez trouver de l’aide autour de vous et je veux juste vous dire que je suis convaincue, que sur sa route, votre enfant va toujours trouver, trouver quelqu’un qui va l’aimer comme il est, et qu’il va le supporter, et va l’aider à faire son chemin et va vous aider aussi à travers tout cela. Marie Roberge : Comme dit Stéphanie, c’est normal, c’est normal d’avoir de la difficulté à accepter. Marie Fortier : Et qu’on l’aimera pas! Stéphanie: Ça n’a pas rapport avec l’amour. Marie Roberge : Moi, je pense qu’il faut se faire confiance dans tout ce processus, se donner la chance. Marie Fortier : Du temps. Marie Roberge : Du temps, comme dit Stéphanie, vous n’êtes pas seul. Souvent, on pense tellement qu’on est seul au monde, que personne ne connaît la condition de notre enfant, que personne ne peut comprendre et pour nous, c’est super important et même, nous on peut apporter quelque chose nous aussi, on a un souci de faire rencontrer des familles parce que souvent quand on se regroupe, moi je dis souvent, il y a une autre famille que votre différence, que tout le monde trouve tellement différente dans votre famille, qui est la normale, la réalité de quelqu’un d’autre, donc, c’est important. D’avoir foi, qu’il y a des gens à travers le parcours de votre enfant qui, comme vous, va voir les beautés de votre enfant et son unicité. Donc, c’est un message d’espoir Marie Fortier : Et moi, je vais faire la porte-parole de tous les parents que vous avez pris soin, et les enfant que déjà, vous avez pris soin et ceux à venir, pour vous remerciez pour votre beau travail. Stéphanie et Marie Roberge : Ça fait plaisir. Marie Fortier : On dit souvent que la santé est le bien le plus précieux et parfois, on l’oublie souvent quand on en bénéficie à tous les jours et ce que j’ai envie de dire en conclusion, à tous ceux qui m’écoutent, à tous ceux qui bénéficient d’un bébé en santé, restez ouverts, rester compatissants et bienveillants pour les personnes autour de vous qui peuvent vivre des réalités comme ça qui sont pas évidentes et d’essayer de les aider du meilleur de vos capacités et sur ce, je vous laisse et je vous souhaite le meilleur pour vous et à votre bébé bien sûr et on se retrouve sur mon site mariefortier.com. (Musique))

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