Devenir parent est un processus!
La période postnatale est une étape de vie, de transition et de turbulence dans la vie d’un homme, d’une femme et d’un couple d’accueillir un enfant dans leur vie. De façon assez traditionnelle, la plupart des couples se documentent, s’informent sur la grossesse et se préparent à la naissance. Dans le même sens, les services médicaux en lien avec les suivis de grossesse sont aussi bien établis, mais, très rapidement, après l’accouchement, c’est souvent le vide et l’isolement. Peu de parents sont conscients de ce qui se passera après, lors du retour à la maison, surtout pour des parents primipares, c’est-à-dire parents pour la première fois.
On appelle souvent les mois qui suivent l’accouchement «le 4ième trimestre». Cette période s’inscrit dans un continuum logique du devenir parent, après la grossesse et l’accouchement, vient le statut de parents. C’est le démarrage de la vie avec un bébé où l’on apprend à vivre et à fonctionner ensemble.
Mais, peut-on vraiment penser que dès que l’on arrive chez nous, avec un mignon bébé, que père et mère se sentent confortables dans leur nouveau rôle et s’épanouissent automatiquement? Et bien, la vérité est tout simplement NON!
Définition de la matrescence
La matrescence est un concept théorique qui combine à la fois le mot maternité et adolescence pour expliquer comment le fait de devenir mère peut entraîner autant de tourmentes émotionnelles, de tumultes, de sentiments bizarres apparentés à la transition qu’un adolescent peut vivre dans sa recherche d’identité lors de son passage à la vie d’adulte.
C’est une période intense où la charge émotionnelle atteint des sommets.
La définition vulgarisée du concept de matrescence se résume à: «Une étape, une phase développementale où une femme devient aussi une mère»
«C’est la naissance d’une mère»
«Quand un bébé naît, une mère naît aussi»
La terminologie matrescence a vu le jour en 1973 par une anthropologue américaine du nom de Dana Raphael, puis ensuite remis sur la sélecte en 2017, par la psychiatre américaine Alexandra Sacks qui a ressorti des poussières ce concept pour expliquer aux femmes qui la consultaient qu’elles n’étaient ni malades, ni dépressives, ni folles, mais bien en adaptation normale à travers un changement de rôle.
Étape de vie
On sait pertinemment que l’accouchement entraîne une série de bouleversements chez la nouvelle mère, autant au niveau physique, qu’émotionnel et dans son image de femme. Son identité de mère est à définir, à construire, à bâtir, en même temps de faire face à ce corps qu’elle ne reconnaît plus, d’avoir des sautes d’humeur inexpliquées et des changements hormonaux sans précédent.
Avec un mot, un nom qui décrit cette phase de développement, tout comme on le fait pour désigner l’adolescence, cela peut certainement aider, soulager et déculpabiliser certaines femmes qui comprennent mal ce qu’elles ressentent à cette période. Le fait d’avoir un nom qui explique les choses montre aussi qu’elles ne sont pas seules à vivre cette période, parfois dans la tourmente. Se sentir par période désorganisée, dépassée par les événements ou ressentir des sentiments contradictoires, inexpliqués, inattendus, peut-être NORMAL!
La matrescence n’est pas une chose négative en soi, la matrescence c’est vivre à la fois du positif et du négatif simultanément. C’est pourquoi, 10 à 20% des nouvelles mères auront l’impression d’être assises un peu entre deux chaises, de se sentir bizarres sans être dépressives, mais pas non plus épanouies à 100% avec leur bébé dans leur nouveau rôle. Ressentir un immense bonheur et à la fois une extrême solitude, ressentir autant d’amour et autant d’angoisse devant ce petit humain. Quelle dichotomie d’émotions!
Le paradoxe de l’attraction versus la répulsion (ou rejet) peut faire naître de la culpabilité chez la mère. Vouloir à la fois s’occuper de son bébé chéri, se sentir attiré, avoir envie de prendre soin de lui grâce aux hormones qui aident ce processus et en même temps, vouloir par son esprit, reprendre sa vie d’avant et répondre à ses besoins à elle spontanément, ne serait-ce que pour prendre un bain tranquille, voir ses amies, aller à son travail qu’elle adore et voir ses collègues. Cette ambivalence est NORMALE!
Même si moult travaux nous renseignent sur l’état psychologique vécu à l’adolescence à travers la découverte de leur propre identité, il reste que très peu d’écrits se concentrent à mettre en évidence l’état émotionnel en grande transformation vécu pour une femme qui devient mère. La façon dont une femme va vivre sa transition vers la maternité est individuelle, selon qui elle est, son tempérament, son éducation, son environnement, son histoire, son style de vie, mais ce qui est sûr pour toutes les femmes, c’est qu’il y aura des hauts et des bas avec des ajustements nécessaires et parfois, des effets collatéraux plus difficiles à gérer par périodes. Il n’y a donc pas de durée prédéterminée, chacune a son rythme d’apprentissage.
Les changements neurobiologiques lors de la matrescence
On sait que l’arrivée d’un bébé pour une couple est une période intense et chargée de haut niveau de stress et d’anxiété. L’adaptation au nouveau statut de parents peut parfois être brutale pour certaines personnes qui ne s’étaient jamais imaginées devoir faire face à autant d’inconnus, d’incertitudes, de responsabilités et d’exigences.
Au niveau des connaissances en neurobiologie, il est prouvé scientifiquement que le cerveau d’une femme enceinte se modifie durant la grossesse et change encore, suite à la naissance. Il y a là une connexion plus approfondie qui s’installe peu à peu avec les émotions qui nous sert à devenir plus réceptive et avoir une attention particulièrement aiguisée vers le poupon afin d’être en mesure d’identifier et de répondre à ses besoins de faim, de mal, de réconfort, de sommeil, etc. Plus encore, les études nous précisent que le cerveau change aussi chez les pères, les parents adoptifs, les deuxièmes mamans. C’est dire que la préparation psychologique qui s’enclenche à l’accueil d’un bébé fait ressortir une intensité émotionnelle chez les personnes investies et impliquées intimement auprès de l’enfant chez les parents en général et non seulement, chez la femme qui porte et met au monde le bébé.
C’est pourquoi, dans la même logique que le concept portant le nom de matrescence, on peut désigner la période de développement de l’identité paternel, comme étant la patrescence. Toutefois, compte tenu de la composante physique unique que les femmes vivent durant la grossesse et l’accouchement, il est clair que celles-ci vivent souvent plus intensément cette adaptation, autant à travers leur corps que leur esprit.
Comment traverser cette période tumultueuse?
Au niveau collectif, l’arrivée d’un bébé est perçue comme un événement heureux et attendu de la vie, ce qui fait que parfois, les gens qui entourent les nouveaux parents comprennent mal certaines réactions perçues plutôt 
négativement. Le concept de la matrescence et la patrescence reste méconnu encore à l’heure actuelle et demande à être diffusé puisque quand on le comprend, qu’on sait que ce n’est pas grave, mais normal et que l’on n’est pas seul à le vivre. Il est évident que l’on se sent davantage réconforté. C’est pourquoi, la clé pour aider à traverser cette zone de turbulence reste la parole et la communication selon la psychiatre Dre Sacks.
Cette période pas toujours évidente à un nom maintenant, on peut expliquer le phénomène et informer son entourage. Il ne faut pas avoir honte de verbaliser vos ressentis, de raconter votre histoire, car vite les femmes se sentiront moins seules et obtiendront par le fait même, un meilleur soutien de la part de leur réseau.
N’oubliez jamais que derrière les grands ajustements du nouveau rôle de parent, il y a une bienveillance infinie. La maternité, la paternité et la parentalité peuvent parfois être grises, ni roses ni noires. Nous espérons que ces quelques lignes vous ont offert un nouveau regard sur le devenir parent.
Marie Fortier
La spécialiste des bébés
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